C´est un peu comme une deuxième mort pour le martyr de la Révolution, Ramdane Ben Abdelmalek, dont le stade dédié à sa mémoire vient d´être rasé au coeur même de l´antique Cirta. Lieu mythique, consacré au sport sous toutes ses formes, (c´était un stade omnisports, avec des terrains de hand, basket, volley, athlétisme et bien sûr football) le groupe scolaire Turpin (son appellation d´origine avec en outre, les CEG Turpin filles et Turpin garçons en contre-bas du stade) a été construit au début du Xxe siècle avant de devenir, à l´Indépendance en 1962, le temple du football constantinois. Détourné de sa fonction première, le vieux stade Ben Abdelmalek a, néanmoins, permis à des générations de footballeurs constantinois et algériens de fouler son tuf d´abord, son gazon artificiel ensuite. Lieu de rencontre des scolaires de la ville de Constantine, Ben Abdelmalek a pallié durant des années l´absence d´un véritable stade de football à Constantine, le vétuste stade Léo Lagrange (sur les décombres duquel a été construit l´actuel Hamlaoui-Stadium) n´offrant plus les conditions de la pratique du jeu à Onze. On dit que sa destruction répondait à des impératifs de circulation routière qui ne peuvent plus être différés. Certes! Mais, a-t-on réellement fait l´effort d´examiner d´autres perspectives pour une ville qui, c´est l´évidence, est plus que jamais à l´étroit dans le tissu du Vieux Rocher. A-t-on songé que l´avenir de Constantine est aujourd´hui hors des murs du Rocher, mais dans sa périphérie, quand tous les aménagements apportés ces dernières décennies n´ont pas réussi à décongestionner la ville, ni à (re)donner son lustre à une cité trois fois millénaire. Le Rocher, c´est d´abord la mémoire de Cirta-Constantine qui, en tant que tel, aurait dû être préservé de la destruction et de l´érosion du temps. La Souika, Sidi J´lis, R´Sif, Rahbet Essouf, Charaâ, Rahbet Lejmel sont autant de noms évocateurs qui disent et chuchotent, au long de leurs ruelles sinueuses, une histoire, une gloire aujourd´hui oubliées. Des sites laissés à l´abandon qui tombent peu à peu en ruine. Que sont la Souika et la Vieille-Ville devenues? Le stade Ben Abdelmalek, relativement récent malgré son centenaire, quoique ne faisant pas partie de la partie historique de l´ancien Constantine, n´en constitue pas moins - au même titre que la prison centrale du Coudiat qui lui est mitoyenne - un patrimoine constantinois sacrifié au passage d´une rame de tramway. Un sacrifice qui risque fort de s´avérer vain tant les problèmes de Constantine sont ailleurs alors que la Vieille-Ville n´est plus adaptée à la modernité d´une métropole qui n´a plus que son antiquité à faire valoir. Ce que les administrateurs de la ville n´ont pas, en vérité compris, c´est que Constantine n´est plus dans les murs du Vieux Rocher, elle est à Sidi Mabrouk, à Mandher El Jamil, à Ali Mendjli, à Sakiet Sidi Youcef, à Hay Ettoute, à Gammas où résident les 8/10 de la population constantinoise. Cela fait un siècle que le Rocher et ses vieux quartiers auraient dû être transformés en Musée vivant du passé et du présent de Constantine. Devons-nous nous résigner, une fois encore à dire avec le poète que la bêtise humaine est passée par là? Adieu Ben Abdelmalek, on t´aimait bien, toi dont les gradins rugueux et les tribunes accueillantes ont reçu, au long de ces décennies, des générations de supporters des clubs de Constantine aujourd´hui orphelins de leur stade fétiche.