Le puissant parti sud-africain, l´African National Congress (ANC), au pouvoir depuis 1994, vient de retirer sa confiance au président Thabo Mbeki, lequel a succédé en 1999 au charismatique Nelson Mandela, premier président noir d´Afrique du Sud. C´est là l´aboutissement de plusieurs mois d´un bras de fer feutré entre les deux hommes forts du parti: le président Mbeki et le président de l´ANC, Jacob Zuma, lequel évinça, en décembre 2007, Thabo Mbeki de la présidence du parti, lors d´un congrès aux «allures d´un coup d´Etat interne», selon des observateurs sud-africains. Le secrétaire général du parti a ainsi expliqué hier que «l´ANC a décidé de rappeler le président de la République avant la fin de son mandat». En acceptant «la décision du comité directeur de l´ANC» de le relever de la présidence de la République, le président Mbeki fait surtout montre d´un sens de la discipline partisane élevé, de même que du devoir et du respect envers des institutions à la mise en oeuvre desquelles il a participé. Donc, Thabo Mbeki passe la main avec élégance, puisque son porte-parole a affirmé hier que le président va «démissionner». Quoique la Constitution sud-africaine reste muette sur la marche à suivre en cas de démission du chef de l´Etat, il n´en reste pas moins que l´Afrique du Sud vient, encore une fois, de donner l´exemple à un continent africain où le changement continue, dans nombre de cas, à se faire par la violence. Malgré ses lacunes, la démocratie sud-africaine reste encore la plus proche de l´idée que l´on se fait de la «démocratie», et est donc exemplaire pour l´Afrique qui a encore à faire ses mea-culpa. M.Mbeki, qui a perdu la présidence de l´ANC en décembre dernier, est ainsi en passe de quitter également la Présidence de l´Etat. C´est, en fait, le sort de tout homme politique qui accepte et souscrit aux règles du jeu politique et admet qu´il y a nécessairement une fin, celle de ses mandats notamment. C´est là le fondement de toute institution qui se veut républicaine et démocratique. C´est donc encore l´Afrique du Sud de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki qui nous éclaire sur le fonctionnement d´institutions voulues et cautionnées par le peuple. Reste à se demander si le successeur de Thabo Mbeki maintiendra le cap et oeuvrera à consolider la démocratie «arc-en-ciel» qui a sorti l´Afrique du Sud du ghetto de l´apartheid. D´autant plus que c´est sous le mandat du président Mbeki que la fameuse «Commission Vérité et Réconciliation», initiée par le président sortant Nelson Mandela, oeuvra à réconcilier entre eux les Sud-Africains, quelle que soit la couleur de leur peau. C´était loin d´être une sinécure pour la nation sud-africaine qui sortait de près d´un siècle marqué par le racisme. La transition vers la démocratie a été difficile mais globalement réussie. Le prochain départ du président Mbeki va-t-il marquer la fin d´une époque ou, a contrario, annonce-t-il celle d´un approfondissement de la démarche suivie jusqu´ici par le parachèvement de la réconciliation et la consolidation de cette «démocratie arc-en-ciel» qui a fait rêver le monde et singulièrement les Africains? Aussi, pour l´Afrique du Sud (et sans doute le continent africain aussi), l´enjeu de la succession de Thabo Mbeki est important pour l´unité du pays pour les premiers, pour l´exemplarité pour les seconds.