Quand les jeunes ont faim d'expressions, ils alimentent les murs de leur «imaginaire exacerbé». Communiquer semble être l'essence même des milliers de graffiti sur les murs de nos villes. Le langage des couleurs y est même une des symboliques. Les ressentiments intérieurs exprimés, projettent, paradoxalement, la joie et la peine, l'espoir et le désespoir, l'amour et la haine, le rêve et la réalité, mais aussi la rage de vivre, pour ne pas dire survivre, de milliers de jeunes désoeuvrés. Un dessin vaut, parfois, mieux qu'un discours. C'est la raison pour laquelle, ils sont insolents, ironiques, amicaux et parfois agressifs. Les graffiti tout autant que les pochoirs interpellent. Projeter des préoccupations à travers des dessins ou phrases est une façon, pour les graffiteurs d'exorciser le mal d'où qu'il provienne, mais aussi une manière de véhiculer leurs messages usés par les émeutes. La rue étant, peut-être, un peu trop grande, les graffiteurs et graffiteuses optent pour d'autres supports plus fiables. Tout y passe. Murs de clôture, de maison, poteaux, balcons, immeubles, ascenseurs et autres lieux communs constituent le meilleur des supports pour les jeunes et moins jeunes pour dire, avec l'assurance de ne pas être censuré leurs sentiments, appréhensions ou autres désirs ou phantasmes. Ce phénomène a pris des proportions telles que des sites Web y sont consacrés, un peu comme un immense musée international où reposent toutes «les oeuvres d'art» (graffiti) qui recouvrent tous les murs des villes du monde. Pour certains, ces graffiti sont qualifiés de vandalisme. Dans certaines villes du monde, les pouvoirs prennent des mesures visant à effacer les graffiti qui constituent, bien des fois, une gêne. Ces graffiti ont eu le privilège d'exclure tout esprit de limites imposées. A Jérusalem, les graffiti se marient et s'entrelacent dans un «silence bruyant». Pour les milliers de jeunes Algériens déchus du droit de vivre et «frappés d'interdit d'onirisme», les murs semblent devenir une sorte de déversoir sur lesquels «ils gravent leurs messages à l'adresse de la société». Des sortes de S.O.S. adressés à leurs prochains. Bien qu'écrire sur les murs soit interdit par les instituteurs durant les premières années scolaires, les jeunes d'aujourd'hui, par réaction contre l'exclusion et le mépris qui leur sont signifiés par le système s'adonnent à cette pratique qui, pour le moins, leur apporte, réconfort et satisfaction. Ecrire sur les murs, bien que contraire à la morale inculquée à l'école, constitue une manière de passer un message où le mur fait office de boîte postale, un moyen pour convaincre les politiques, mais aussi un moyen de se défouler. C'est le cas pour le jeune Mustapha qui donne une autre dimension aux graffiti. Utilisant des couleurs appropriées, le jeune Mustapha a réussi à embellir les longues façades latérales de la Cité des Annassers situées en face du Palais de la culture, un peu comme pour défier ou dénoncer la nature de ce dernier. Le graffiti est aussi, de par sa force de persuasion, une arme redoutable. L'impact étant assuré, les hommes politiques n'ont pas hésité à s'en servir comme une courroie de transmission de messages dans le cadre des campagnes électorales. La censure se moque de la prestance et la force des mots. En Algérie, ce mode de communication s'amplifie et les messages se multiplient. Aussi quand le verbe est éloquent, mieux vaut se taire.