Nos chouhada méritaient mieux que la commémoration sans éclat, hier, de la «Journée du chahid». Non point pour eux. Ils sont morts et n´ont plus aucun besoin ici-bas. L´intérêt va plus à tous les Algériens encore de ce monde et à toutes les générations à venir. Car enfin, il n´est pas difficile de savoir ce qu´est la vie d´un humain sans mémoire. Certes, ceux qui ont, ou ont eu, un parent atteint de cette terrible maladie d´Alzheimer le savent plus que d´autres. Il n´en demeure pas moins qu´aucun responsable n´a le droit d´ignorer la position vitale de cette fonction chez l´homme. Pourquoi alors avoir décrété une journée à la mémoire d´un million et demi d´Algériens morts pour le pays? Pour saupoudrer nos consciences? Si aujourd´hui des Algériens exigent un travail, un logement, des études et tout ce qui permet de vivre dignement, c´est leur droit. Mais c´est aussi leur droit de savoir qui leur a ouvert les portes de l´enfer. De cet enfer où il n´y avait ni travail, ni logement, ni études, ni aucune vie digne des humains. De cet enfer où ils étaient enfermés un siècle et demi durant. De cet enfer d´où toute issue était verrouillée par des envahisseurs étrangers. Ils ont le droit de le savoir pour mieux apprécier l´héritage que les martyrs ont laissé. Pour mieux défendre cet héritage. Comment pourrait-on en vouloir à ceux qui ne savent pas, aux sans-mémoire, de manquer de vigilance? Peut-on en vouloir aux malades d´Alzheimer de ne pas savoir ni où ils sont ni où ils vont? Alors pourquoi cette pâle célébration de la «Journée du chahid»? Comment l´expliquer? Même en admettant qu´il soit si difficile d´écrire notre histoire, ce n´est tout de même pas compliqué d´honorer amplement, fièrement et sans aucune retenue la mémoire de nos martyrs? Où serait la difficulté? Très sincèrement, hier, nos chouhada méritaient mieux. Notre avenir aussi. Il faut avoir discuté avec nos jeunes pour mesurer leur soif de détails du passé. Ils ne manquent pas de patriotisme. Ils l´ont prouvé lors de différentes occasions comme la dernière Coupe du monde. Ils veulent, cependant, en savoir plus. Beaucoup plus. Comme par exemple la vie quotidienne en Algérie avant le 1er Novembre 1954. Comment les Algériens et les Français s´habillaient, comment ils mangeaient, comment ils logeaient, comment ils travaillaient... Tout simplement. Est-ce si difficile de leur apporter les réponses et leur dire que l´immense majorité des Algériens ne vivait pas dignement, décemment? Que seuls les Français menaient la belle vie en Algérie. A nos dépens. Que c´est pour cela que le 1er Novembre 1954 a été décidé. Que c´est cela qui explique le sacrifice de nos martyrs. Ils veulent savoir. Ils en ressentent l´immense besoin. Il s´agit de leurs repères. De leurs amarres. C´est le rôle du ministère de la Culture. De celui des Moudjahidine. De celui de l´Education. Tout est dans la coordination des efforts. Laissons l´écriture de l´histoire politique prendre son temps pour se mettre en place. Mais commençons à diffuser à nos jeunes notre histoire sociale. Ne remontons pas au néolithique, contentons-nous, dans l´urgence, de l´époque contemporaine. Le vide mémoriel est inadmissible. L´année prochaine marquera le 50e anniversaire de l´Indépendance. Où en sont les préparatifs? 2012 c´est demain! Sera-t-il célébré avec plus d´éclat que la commémoration d´hier?