Mieux vaut tard que jamais, serait-on tenté de dire. Enfin la réforme de la justice est depuis hier lancée officiellement. C'est le ministre de la Justice, M. harfi, qui l'a annoncé à la presse en marge des journées d'études organisée au siège de la Cour suprême à Alger sous les thèmes de la présomption d'innocence et la détention provisoire. Il était temps car les travaux de la commission Issad sur lesquels s'appuie la réforme ont été achevés et remis il y a déjà deux années. Interrogé par L'Expression sur cette lenteur, le ministre s'est refusé «à faire un procès d'intention à quiconque», ajoutant que dès son arrivée à la tête du département ministériel, il s'est «attelé à réunir les conditions de la mise en oeuvre». Et de nous informer d'un vaste mouvement au sein des directions centrales de son ministère dès la semaine prochaine et la mise en place d'un nouvel organigramme. Ainsi, nous avons appris qu'un comité d'animation et de suivi de la réforme sera installé à cette occasion. Il en sera de même pour cette nouvelle structure qu'est la Direction générale des droits de l'Homme que le ministre avait annoncée lors de son intervention à l'ouverture de l'année judiciaire. «Ce n'est pas par hasard que nous avons choisi le jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, ce n'est pas par hasard que nous avons choisi les thèmes de la présomption d'innocence et la détention provisoire, ce n'est pas par hasard que nous avons choisi comme lieu le siège de la Cour suprême. C'est pour marquer d'une forte empreinte la symbolique que doit revêtir le démarrage officiel de la réforme de la justice» déclarera M.Charfi aux nombreux journalistes venus couvrir l'événement. De l'avis de nombreux assistants aux journées d'étude, le ministre a très bien fait de rappeler la «mise en garde adressée à maintes reprises par le Président de la République contre les déviations et abus constatées dans l'application de la loi et a exhorté les autorités compétentes à la modération et la mesure». Le ton est donné. La réforme démarre sous de bons auspices. Pour peu que les magistrats s'imprègnent de la pleine signification des dispositions de la loi. Cela dit, il faudra rester très vigilant contre les forces d'inertie qui ne manqueront pas de tout tenter pour faire «capoter» l'entreprise attendue vainement jusque-là par un peuple traumatisé par la lourde atmosphère qui règne dans les enceintes judiciaires. Faire tomber des «privilèges» n'est pas une mince affaire dans un pays déserté depuis la nuit des temps par une justice digne de ce nom. Les quelques rares magistrats qui se distinguent par leur intégrité et leur impartialité ne forment qu'une minorité totalement marginalisés. On peut leur rendre hommage, mais ils ne font pas le poids à eux seuls pour renverser la tendance négative. L'Etat devra peser de tout son poids pour faire la différence.