Pourquoi les jeunes continuent-ils à adhérer aux groupes armés ? Sur la base d'aveux d'un jeune terroriste arrêté il y a une semaine à Ksar El-Boukhari, alors qu'il s'apprêtait à rendre visite à sa famille, les services de sécurité ont établi avec certitude que de nouveaux réseaux se sont constitués récemment. Dans un premier temps, douze personnes ont été arrêtées, et certaines d'entre elles ont été relâchées par les services de sécurité qui ont constaté qu'elles ont été injustement compromises dans ces «entreprises terroristes», «par erreur ou vengeance». Les autres membres du groupe démantelé sont encore «en exploitation», et la suite de l'enquête déterminera si le réseau activait pour le compte du GIA local, du Gspd de Saouane ou du Gspc, dont les visées sur Ksar El-Boukhari ne sont plus à démontrer. Mais d'ores et déjà, il a été établi que des éléments des GLD y sont impliqués, selon une source locale, qui cite les étapes successives de l'enquête. Le degré d'implication de ces GLD réside dans le fait d'avoir fourni des douilles vides ou neuves et des informations sur le mouvement d'autres GLD et gardes communaux qui surveillent cette région rocailleuse aux portes du désert des Ouled Naïl. Les éléments les plus intéressants de l'enquête préliminaire concernent l'âge des jeunes membres impliqués, ainsi que la date récente de la constitution de ce réseau estimé à moins d'une année. Ainsi, donc, au moment où certains parlent de la désagrégation totale du terrorisme, il y a lieu de s'inquiéter, et de manière très sérieuse, sur la «production en continue» du terrorisme. A Tizi Ouzou, la «stratégie de symbiose» du Gspc fait des ravages. Plusieurs réseaux de soutien au Gspc y ont été démantelés. Le dernier en date est celui découvert et arrêté à Boghni. Ce groupe présente, selon les premiers éléments de l'enquête, au moins son implication dans l'assassinat d'un officier de police-instructeur principal, perpétré fin novembre dernier. Ce réseau de Boghni est beaucoup moins important que ceux qui activent à Draâ El-Mizan, Draâ Ben-Khedda et Dellys, et qui fournissent l'essentiel des «opérations préliminaires» du Gspc. Les groupes locaux de Hattab, qui ont impliqué beaucoup de jeunes désoeuvrés de la Kabylie, après avoir essayé d'impliquer les populations locales dans la «lutte commune» contre le pouvoir totalitaire, ont réussi à profiter d'une région en crise où la neutralisation des services de sécurité a été une constante du Gspc. Car après le «délogement», euphémisme répandu par le commandement de la Gendarmerie nationale concernant son «évacuation des lieux» après les émeutes d'avril-mai 2001, les policiers ont essayé de couvrir des espaces où ils étaient en nombre très réduit. Aussi, face aux émeutes qui s'y sont poursuivies, et la volonté des ârchs à maintenir la pression, les unités de police ont essayé de protéger les édifices publics et les centres urbains, laissant la périphérie sans ou avec peu de contrôle. Cette situation a été bénéfique aux activistes de la région qui y ont tissé de véritables toiles d'araignée. Les réseaux aussi, et de façon inquiétante, prolifèrent à travers la wilaya, de Boumerdès, où la Gendarmerie locale et les Bmpj ont localisé et arrêté près de 170 hommes en une année. Les réseaux de Sahel Bouberak, Dellys, Bordj Ménaïel, Khemis El-Khechna ou Bouzegza, ont été à ce point importants pour mettre en place de véritables stratégies de financement, d'investissement et de logistique au profit du commandement du Gspc. A Relizane, Saïda, Bel Abbes et Tébessa, au moins une centaine d'éléments de soutien ont été arrêtés, depuis le 1er janvier 2002. Selon un haut responsable des services de renseignement rencontré en marge du colloque international d'Alger sur le terrorisme du 26 au 28 octobre dernier, «les réseaux découverts ne constituent que 40 à 50% de ce qui existe réellement et qui forment l'appui et le moteur du terrorisme actif, celui des maquis». Pour le lieutenant-colonel Abdelhafid Abdaoui du commandement de la Gendarmerie nationale de Boumerdès, «un élément de soutien ne constitue pas moins un terroriste à part entière, les deux se complétant parfaitement.»