La date des élections partielles est maintenue en dépit de la tension qui prévaut en Kabylie. Plus d'une soixantaine de communes sont appelées à élire leurs représentants, le 30 mars. Mais combien seront-ils à répondre «au devoir national»? La Kabylie renvoie aujourd'hui l'image d'une région révoltée. La colère a atteint son paroxysme. Les ârchs durcissent le ton en appelant à une grève générale, les détenus entament aujourd'hui leur 33e jour de grève de la faim. Telle est la situation sur le terrain, qui semble similaire à celle enregistrée à la veille des élections communales du 10 octobre. A qui profiteront donc les élections partielles? A la région? Certainement pas, d'autant que le spectre du boycott se profile à l'horizon, au vu des informations qui nous parviennent quotidiennement de Kabylie. Au pouvoir en place? Evidemment pas, dans la mesure où le «boycott prôné» représentera un autre échec pour les décideurs, qui semblent sérieusement s'accrocher à ce rendez-vous. Mais organiser des élections partielles dans une telle situation constitue-t-il une décision sérieuse? Il faut dire que les avis sont divisés sur cette question. Pour certains observateurs, il est nécessaire de doter les communes d'assemblées élues pour mettre fin à l'anarchie et barrer la route aux opportunistes qui essaient de récupérer le mouvement de colère, longtemps couvé, ce qui est en soi politiquement correct, mais il manque à cette équation l'adhésion populaire à cette démarche. Si en s'appuyant sur ce dernier point une deuxième partie opte plutôt pour le report de la date des élections partielles, s'il serait plus prudent, selon elle, d'atténuer les tensions sur le terrain afin de réussir ce rendez-vous, mais surtout afin de briser la rupture entre la population en Kabylie et le pouvoir. Parce qu'il faut préciser que le boycott sera plus interprété comme un défi envers le pouvoir qu'une adhésion massive aux thèses du mouvement des ârchs qui semble perdre de plus en plus de son poids parmi la population, qui aspire plus que jamais à la paix. L'officialisation de tamazight ainsi que la satisfaction de la plupart des revendications de la plate-forme d'El-Kseur auraient pu contribuer à calmer les esprits dans cette région, qui se sent aujourd'hui lésée et abandonnée. Contrairement aux calculs du pouvoir rien de cela ne s'est produit. Cette paix fragile qui semble régner en Kabylie risque d'être sérieusement menacée le 30 mars, si, d'ici à là, aucun accord ne vient rétrécir le fossé creusé entre Tizi Ouzou et Alger. La décision de reporter une première fois les élections partielles témoigne de la complexité de la situation, même si notre ministre de l'Intérieur avait, à l'époque, évoqué des raisons, très peu convaincantes, d'ordre climatique, pour justifier cette décision. A la veille de la date décisive, plusieurs scénarios se présentent. Le pouvoir organise les élections et décide, contre vents et marées, de valider un taux de participation très faible; les régions concernées boudent les urnes et Alger décide de placer des DEC, comme l'a insinué M.Zerhouni dans sa conférence de presse tenue après l'annonce des élections du 10 octobre, ou alors, et par miracle, les deux parties concernées trouvent un terrain d'entente, et la paix tant espérée par les Algériens regagne les paisibles villages de la Kabylie, une thèse très peu pressentie parmi les observateurs avérés.