A la veille du scrutin du 30 mai, cette région est isolée du reste du pays. Demain, les Algériennes et les Algériens des différentes régions du pays iront aux bureaux de vote pour élire leurs représentants dans la future, Assemblée populaire nationale. En Kabylie, il en sera vraisemblablement autrement. La peur, l'indifférence et le mépris qui ont caractérisé la campagne électorale officielle pour les législatives dans cette région, témoignent d'une situation inédite. Les incidents quasi quotidiens qu'enregistre cette région, jadis bastion de la démocratie, renseignaient déjà sur une situation des plus graves. A la veille du scrutin du 30 mai, la Kabylie est isolée du reste du pays. Pas de journaux, tous les axes routiers sont fermés à la circulation, toutes les localités donnaient le visage de ville morte. Bref, les mauvais jours se suivent et se ressemblent. A Béjaïa, comme à Tizi Ouzou, tous les commerces ont baissé rideau. Les rues sont vides. Le déplacement d'un endroit à un autre est pratiquement impossible. Le mot d'ordre de grève de trois jours lancé par le mouvement citoyen est largement suivi aux quatre coins de la Kabylie. Sur les Routes nationales, des barricades sont dressées à plusieurs endroits. L'interdiction de circulation décrétée par les ârchs est mise à exécution. De ce fait, personne n'ose s'y aventurer. Même la presse n'a pas eu droit au passage. C'est dire la complexité de la situation qui, à tout moment, peut dégénérer. Plus on approche du 30 mai, jour du scrutin des législatives, plus la tension monte d'un cran. Une tension que beaucoup d'acteurs alimentent, car étant le seul moyen de parvenir «au zéro vote» cher à certains partis politiques et au mouvement citoyen. Au-delà du rejet des élections prôné par le mouvement citoyen depuis des mois et vite rejoint par les formations politiques influentes dans la région, il y a lieu de signaler cette prédisposition à bouder les urnes chez les citoyens. Durant toute la campagne électorale, tout ce qu'on a eu à constater, restent l'indifférence et le désintérêt et parfois le mépris à l'égard de tout ce qui se rapporte à la chose politique. Cet état de fait n'est pas sans avoir une origine que d'aucuns mettent sur le dos du pouvoir et des partis politiques. Les électeurs, aujourd'hui appelés par les uns à boycotter et les autres à voter, ne sont préoccupés que par leurs problèmes quotidiens. Aucun intérêt n'est accordé aux appels de ceux, notamment les députés représentant les formations politiques. N'était la conjoncture marquée par la peur et toutes formes de représailles, les citoyens iraient voter non pas pour choisir des représentants, mais pour marquer leur mécontentement de l'abandon dont ils ont fait l'objet par ceux-là mêmes qui les appellent aujourd'hui au boycott et à la dissidence. Bref, on aurait assisté à un véritable vote sanctionnant les partis politiques sur lesquels d'énormes espoirs ont été placés après l'ouverture démocratique de 1988. La responsabilité de l'échec caractérisé aujourd'hui par une situation chaotique est partagée par tous les acteurs intervenant dans la gestion des affaires publiques, notent les citoyens. Si du député, on connaît que l'enrichissement, du pouvoir, en revanche, on ne voit que la répression. Ce dernier a tout fait en Kabylie. Tout sauf la prévention, déclarait hier ce citoyen face à la situation qui prévaut dans la région. «Cela fait plus de quinze jours qu'on parle de fermer les routes, les APC, etc, les autorités n'ont rien fait pour prévenir». Ce constat est largement partagé par la plupart des citoyens désabusés qui nous font part de leurs impressions. En attendant, les rues de Kabylie se vident chaque jour. Les citoyens s'enferment chez eux en s'interrogeant sur les lendemains incertains et l'on commence déjà à redouter l'après-30 mai. De quoi sera-t-il fait?