Sept semaines après leur arrivée à Bagdad, les experts de l'ONU n'ont rien découvert au moment où la crise nord-coréenne s'aggrave. Bagdad a décidé de coopérer totalement avec les experts de la mission d'inspection de Contrôle et de vérification de l'ONU (Cocovinu) en leur ouvrant tous les sites supposés suspects. Ce qui fait que, malgré les déclarations d'humeurs faites ici et là - à l'instar de la dernière déclaration de Saddam Hussein qui accuse les inspecteurs de l'ONU d'espionnage en faveur des USA -, le travail des experts s'est déroulé, jusqu'ici, dans des conditions quasi idéales. Aussi, il est vraisemblable que le rapport (ou le pré-bilan, après deux mois de présence des inspecteurs onusiens en Irak) que doit rendre au Conseil de sécurité, le 27 janvier prochain, le directeur de la Cocovinu, Han Blix, constituera un tournant important pour la suite des inspections en Irak, et servira de première approche de la réalité, ou non, de la détention par l'Irak d'armements de destruction massive. Dans une déclaration faite à New York jeudi, sans doute indicative sur ce que sera le rapport de la mission de l'ONU, Hans Blix a affirmé que les «inspecteurs n'ont trouvé aucun flagrant délit en six semaines d'inspection. Aucune pièce à conviction n'a été trouvée (...). Bien évidemment, si nous dévions découvrir quelque chose de dramatique nous en rendrions compte immédiatement au Conseil de sécurité». Invitant l'Irak à coopérer plus encore avec l'ONU, le directeur de l'Aiea (Agence internationale de l'Energie atomique), Mohamed El-Baradei, estime pour sa part que le fait que les inspecteurs n'ayant pas pu «auditionner en privé» des Irakiens «ne correspond pas à la coopération que nous attendions». Toutefois, balayant l'affirmation de Hans Blix, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a souligné, jeudi, qu'«aucun flagrant délit n'était nécessaire pour que les Etats-Unis attaquent l'Irak». Ce qui, en réalité, relèverait du fait du prince, car cela signifierait que Washington ayant décidé de frapper l'Irak, elle le fera quel qu'en soit le prétexte ou le prix. Tout en ne présentant, ou ne pouvant présenter, aucune preuve, quant à la possession par l'Irak d'armes de destruction massive, la Maison-Blanche n'en réitère pas moins qu'elle tient «pour fait acquis, qu'il y a des armes là-bas» en réaction aux propos de Hans Blix. Si en Irak, les inspecteurs ont jusqu'ici, fait chou blanc, alors que Washington maintient la pression, le fait nouveau est à mettre à l'actif de la Corée du Nord qui a annoncé hier son retrait du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire, par lequel les Etats adhérents s'interdisent le développement des armements nucléaires). La décision de Pyongyang aggrave davantage la crise nord-coréenne et embarrasse quelque peu la communauté internationale qui ne cache pas sa préoccupation, ni sa réprobation. Reproduisant un communiqué officiel, l'agence nord-coréenne d'information, Kcna, indique: «Le gouvernement de la République démocratique de Corée a annoncé aujourd'hui (hier ndlr) dans un communiqué son retrait du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et sa totale liberté des obligations des accords de sauvegarde passés avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, (Aiea)». L'agence Kcna précise cependant: «Bien que nous nous retirions du traité TNP, nous n'avons pas l'intention de fabriquer des armes nucléaires et nos activités nucléaires ne seront limitées à ce stade, qu'à des fins pacifiques telles que la production de l'électricité». Les grandes capitales mondiales, telles que Tokyo, Moscou Pékin ou Paris, tout en disant leur préoccupation, appellent dans le même temps Pyongyang à «réintégrer» le TNP. Ainsi le gouvernement japonais tout en estimant «extrêmement regrettable» cette décision, demande «vivement que Pyongyang revienne sur cette annonce». En revanche, Paris condamne sans réserve, qualifiant de «grave, lourde de conséquences» la décision de la Corée du Nord. Séoul, concerné en premier lieu par l'annonce de Pyongyang, la condamne certes, mais, toutefois, veut continuer à dialoguer avec la Corée du Nord dans la perspective d'une péninsule coréenne dénucléarisée. Ce qu'affirme le président Kim Dae-Jung qui déclare : «Nous devons faire de la péninsule coréenne un endroit sans armes nucléaires. Pour cela, il nous faut être patients et constants dans la recherche d'une solution pacifique.» Hier, en fin de matinée, Washington a fait part de sa «grave préoccupation». En fait, l'Irak et la Corée du Nord posent la vraie question du nucléaire, lorsque l'on voit que certains, tel Israël, ne se sont pas inquiétés, alors que d'autres si. Et il faudrait bien que, d'une façon ou d'une autre, la communauté internationale assume sa responsabilité dans la dissémination des armes de destruction massive.