Ignorée par les pouvoirs publics, la crise de l'insuline est en train de prendre de l'ampleur sans que cela ne fasse réagir les responsables du secteur de la santé. Ce qui semblait n'être que des rumeurs (la pénurie de l'insuline) s'est révélée être en fin de compte une réalité qui se vérifie dans nombre d'officines du pays. Les diabétiques insulinodépendants ne savent plus à quels saints se vouer, d'autant que l'absence de traitement peut avoir des conséquences dramatiques, voire fatales. Dans la majorité des officines d'Alger, à titre d'exemple, l'insuline demeure un produit sous tension. “Nous recevons de petits quotas, mais dès que nous la réceptionnons, les malades affluent, ordonnances à la main, avec comme seul objectif de faire des stocks pour être tranquilles durant des mois”, affirme une pharmacienne de Bab El-Oued. Les malades, en revanche, s'estiment lésés par cette pénurie qui les prive de leur “unique élixir de la vie”. Ils sont nombreux, en effet, à faire le tour des officines en quête de l'insuline. “J'ai été obligé d'emprunter un flacon d'insuline auprès d'un ami malade. Mon pharmacien m'a promis de me laisser quelques flacons quand il recevra la marchandise. Nous autres malades sommes contraints de nous débrouiller comme nous pouvons. Cette pénurie passée sous silence est accentuée par des rumeurs les plus folles, comme le non- remboursement par les caisses d'assurance des insulines fabriquées localement. J'ai fait l'expérience d'ailleurs. Comme je n'avais pas trouvé mon insuline habituelle, j'ai acheté l'insuline de Saidal. J'ai été remboursé normalement”, témoigne un diabétique, rencontré ce jeudi au CHU de Bab El-Oued. Si les insulines sous toutes leurs formes (rapide, semi-rapide et lente) sont devenues une denrée rare, il n'en demeure pas moins que les stylos d'insuline ne trouvent que rarement un acquéreur ; les malades algériens n'étant pas encore adeptes de cette technologie. D'ailleurs pour certains malades, cette pénurie qui ne dit pas son nom, n'a d'autre but que la promotion des stylos d'insuline que boudent les Algériens. “Je sais que je suis remboursé à 100% en optant pour n'importe quelle forme d'insuline, mais je préfère la méthode de la seringue ; je la connais mieux et c'est elle que je maîtrise”, dit un vieil homme contraint d'acheter un lot de quatre stylos à insuline pour la somme de 4 500 dinars. Si pour le moment la crise de l'insuline n'a pas atteint des proportions alarmantes et dramatiques, il reste qu'elle incommode particulièrement certains malades habitant les régions reculées du pays. Cette situation doit impérativement interpeller les pouvoirs publics, en premier chef le ministère de la Santé appelé à prendre des mesures avant que cette pénurie ne se transforme en grave crise. Selon le président de l'Association des diabétiques de la wilaya d'Alger, M. Ouhada Fayçal, cette pénurie n'est que passagère et aurait pour cause, “la fermeture des usines pour les congés d'été pendant le mois d'août”. Il estime qu'il ne s'agit que “d'une crise conjoncturelle et que tout rentrera dans l'ordre d'ici quelques semaines”. La disparition des insulines des officines sanctionne gravement les malades pauvres qui n'ont pas encore obtenu la carte de la gratuité des soins. Si par le passé ils pouvaient acheter de l'insuline de Saidal ou même celle importée (elle coûte plus cher certes), ils ne peuvent aujourd'hui débourser 4 500 dinars pour 4 stylos à insuline jetables. Les malades espèrent une solution rapide à cette crise. Nos tentatives pour joindre les laboratoires qui fournissent les insulines aux officines afin d'avoir leur point de vue sont avérées vaines. Djafar Amrane