Même si son programme d'importation pour 2003 n'est pas signé, le groupe danois mettra gratuitement l'insuline à la disposition des malades. Considéré comme le plus grand projet, après le complexe des antibiotiques de Médéa, l'usine d'insuline Aldaph était attendue pour soulager la souffrance des diabétiques. Annoncé en grande pompe, le programme lancé en 1999, pour la réalisation d'une unité de production d'insuline, a été renvoyé aux calendes grecques à plusieurs reprises, avant d'être carrément abandonné. Actionnaire minoritaire, Saïdal s'est retiré dès l'an 2000, et M. Aoun, PDG du groupe, n'a cessé depuis de tirer à boulets rouges sur les deux actionnaires qu'il accuse de laxisme, voire de mauvaise volonté. La guerre est alors déclarée, mais aucune réaction n'est à signaler du côté de Novo-Nordisk et encore moins de Pierre-Fabre même après la décision du ministère de la Santé d'interdire Aldaph d'importer les médicaments. Selon des sources crédibles, Novo-Nordisk a renoncé au programme “insuline” en Algérie après une étude qu'il a commandée et qui a révélé que le produit élaboré localement sera plus cher que celui importé. par ailleurs, le groupe danois a constaté une surproduction enregistrée à travers ses usines implantées de part le monde. En gestionnaires aguerris, les responsables d'un des leaders de l'insuline dans le monde ont jugé inopportun de lancer un nouveau site de fabrication. Ces mêmes responsables ont préféré jouer la modération, comme le conseille la culture nordique, ne serait-ce que conjoncturellement pour ne pas se retrouver avec des stocks énormes sur les bras. M. Bendjedou, PDG du bureau de liaison de Novo-Nordisk à Alger, a déclaré : “Novo-Nordisk n'est intéressé que par l'intérêt du diabétique. Nous ne pouvons admettre de voir l'insuline produite en Algérie revenir plus chère au patient que celle importée”. Il citera l'exemple de l'insuline actuellement utilisée par les structures de santé publique et dont le prix est nettement plus onéreux que celle du groupe qu'il représente. “L'insuline actuellement en usage dans les hôpitaux, conditionnée dans des ampoules de 5 ml, coûte 402,50 DA l'unité, alors que la nôtre ne vaut que 688,50 DA l'ampoule de 10 ml”, argumente-t-il. Par ailleurs, M. Bendjedou voit mal l'intérêt qu'aura Novo-Nordisk à investir dans une usine, puisque “Saïdal a décidé de monter un projet en partenariat avec l'américain Elly Lili”. En contre-partie, Novo-Nordisk propose de finaliser un autre projet beaucoup plus bénéfique aux diabétiques. “Les textes en vigueur ne nous obligent pas de produire de l'insuline au bout de 2 ans, mais à monter un projet d'investissement en Algérie. Nous sommes prêts à financer des structures d'éducation au profit des diabétiques à travers les 48 wilayas du pays. Nous financerons, seuls, ce programme, avec le parrainage du ministère de la Santé”, affirme M. Bendjedou. Il considère que ce programme est, en réalité, un “lourd investissement” qui exige de grands fonds. Il n'oubliera pas de rappeler que le groupe danois envoie déjà des intervenants dans le domaine de la diabétologie pour recevoir une formation à l'étranger. “Ces personnes peuvent, à leur tour, être des formateurs en Algérie”, ajoute-t-il. Il s'agit en fait de la réalisation de structures donc toutes les wilayas où seront éduqués les diabétiques pour mieux se prendre en charge. Concernant la disponibilité de l'insuline, M. Bendjedou se montre perplexe quant au pessimisme des responsables du secteur de la santé : “L'assurance affichée par les pouvoirs publics quant à la disponibilité du produit, jusqu'à mars 2003, est en réalité subordonnée aux arrivages programmés pour fin novembre”, estime le PDG du bureau d'Alger. Il va plus loin en annonçant : “Si jamais le programme d'importation 2003 n'est pas agréé, nous sommes prêts à mettre gracieusement notre insuline à la disposition des diabétiques et ce, durant toute l'année”. Les inquiétudes ne concernent pas uniquement les insulino-dépendants, puisque même ceux qui stabilisent leur taux de glycémie par voie orale seront sanctionnés aussi. “Si notre programme n'est pas signé, les non-insulino-dépendants ne pourront pas avoir accès à notre produit Novonorm qui est le meilleur traitement par voie orale au monde”, ajoute M. Bendjedou. Il faut savoir qu'un projet d'une usine d'insuline a été initié dès 1990 et toujours en partenariat avec Novo-Nordisk. Ce dernier a bénéficié, à l'époque déjà, de largesses des pouvoirs publics qui l'avaient autorisé à placer ses produits importés par les Pharms, sans passer, comme le stipulaient les lois, par des avis d'appel d'offres. La dissolution des Pharms a sonné le glas de cette première tentative. Aucunement, répond M. Bendjedou qui attribue la “paternité” du premier projet à la seule volonté de Novo-Nordisk en 1991. “Notre groupe, avec sa filiale Ferezon, avait jugé fiable l'implantation d'une usine en Algérie. Le montant de l'investissement était fixé et des banques danoises étaient prêtes à entrer comme partenaires. Bien entendu les 3 Pharms étaient des acteurs incontournables. Avant les textes de 1995, l'importateur n'était pas obligé de produire en Algérie et pourtant notre groupe était prêt à le faire alors qu'il n'était sous aucune pression ni contrainte”, rappelle-t-il. Il n'oubliera pas de faire allusion aux multiples contraintes rencontrées dès 1990. Il surfera ensuite sur les obstacles qui se sont dressés devant Aldaph lors de la deuxième tentative en 1999. “On nous a même reproché d'avoir privilégié une région donnée”, affirme-t-il. M. Aoun, dont le groupe était actionnaire d'Aldaph dira :“Les deux autres partenaires n'ont jamais eu la ferme volonté de produire quoi que ce soit”. Il regrette que le temps lui ait donné raison, en quittant Aldaph en 2000, puisque le projet a fini par tomber à l'eau. “Lorsque j'ai remarqué les tergiversations de mes deux autres partenaires j'ai décidé de quitter le groupe, car ils n'ont investi nulle part ailleurs”, déclare-t-il avant d'ajouter : “Au moment où on attendait de l'insuline, Pierre-Fabre fait entrer des cosmétiques par le biais d'Aldaph”. Nous avons tenté d'entrer en contact avec Pierre-Fabre, mais en vain. Une responsable qui nous a répondu au téléphone depuis le siège helvétique du groupe, a affirmé : “Tous les cadres habilités à parler au nom du groupe sur ce sujet sont absents et pour une très longue période !” Les toutes dernières informations en notre possession font état de la décision du ministère de Santé de changer de partenaires en matière d'approvisionnement en insuline. C'est le laboratoire Aventis (un géant franco-allemand) qui a été choisi pour pallier le “retrait” d'Aldaph. Tout indiquait cette option, puisque l'insuline Aventis est déjà en usage dans les hôpitaux depuis quelques semaines. Des sources proches du ministère de la Santé, indiquent que les produits du nouveau partenaire seront vendus au même prix que celui d'Aldaph. S. I.