Les leçons économiques de la révolte populaire ne semblent pas être tirées. Les évènements d'Octobre 88 ont justifié les réformes économiques. En novembre 1988, étaient publiés les cahiers des réformes, couronnement des travaux de l'équipe des réformateurs, qui comptait comme membres, Ghazi Hidouci, l'un des architectes des changements, marquant le démarrage des réformes. Le modèle d'économie dirigée en faillite, ayant conduit, selon des analystes, à la crise d'Octobre, l'Algérie prenait depuis carrément option pour l'économie de marché. Les premières décisions importantes le furent en 1991, avec la nomination de Hamrouche à la tête du gouvernement. L'Algérie ouvrait son marché. Pour la première fois, le principe du commerce industrialisant était brandi. Une liste de grandes sociétés étrangères qui voulaient investir en contrepartie de l'accès au marché. Les constructeurs Renault, Peugeot, Fiat, notamment, annonçaient leur intention de réaliser des usines d'assemblage automobile en Algérie. Cette parenthèse libérale a été vite fermée. La dégradation de la situation politique allait conduire à un changement à la tête de l'Etat. La démission de Chadli, l'arrêt du processus électoral, le retour de Boudiaf et son assassinat jusqu'à l'installation du HCE dans un contexte de montée de la violence islamiste, autant d'évènements saillants ayant marqué une époque sanglante, à l'origine d'une mise en œuvre difficile de l'agenda des réformes. L'Algérie évoluait, notons-le, dans un contexte de dégradation de la situation économique et sociale. La chute des prix du baril en 1986 allait conduire à une aggravation de l'endettement du pays. Une grande partie des ressources en devises tirées des exportations d'hydrocarbures était utilisée pour rembourser la dette. Cette mauvaise santé financière conjuguée à l'inertie politique liée à la lutte de clans au pouvoir allait détériorer le climat social et conduire au 5 Octobre. L'Algérie était entrée dans un engrenage dangereux où elle devait employer l'essentiel de ses moyens financiers pour rembourser sa dette. C'était intenable. En situation de cessation de paiement en 1993, elle était contrainte de rééchelonner sa dette. Pour cela, elle devait conclure avec le FMI, en 1994 et 1995, des accords de mise en œuvre d'un plan d'ajustement douloureux, en contrepartie d'un allégement de sa dette extérieure. Sous contrainte du FMI, l'Algérie allait, de 1994 à 1998, accélérer les réformes. Elle a libéralisé son commerce extérieur en 1995, procédé à la convertibilité du dinar pour les opérations courantes en 1997, appliqué un programme de liquidation des entreprises déficitaires ayant entraîné la suppression de 400 000 emplois et entamé le processus de privatisation. Au terme de ce plan, l'inflation était plus maîtrisée, les équilibres macroéconomiques rétablis et la vérité des prix enregistrée pour la quasi-totalité des produits. La nouvelle époque était marquée par la fin des monopoles publics dans la majorité des secteurs de l'économie. À partir de 1998, l'Algérie allait avoir les coudées plus franches. Elle a reconquis sa souveraineté financière. Mais deux objectifs fondamentaux du plan d'ajustement n'étaient pas atteints : une plus grande diversification de l'économie et un système statistique fiable. Dix ans après la fin de ce programme, peu de progrès ont été enregistrés dans ces deux chantiers. “Ce plan d'ajustement, c'était de la cosmétique”, observe un expert. Du reste, le bilan de la privatisation reste modeste. Des pans de l'appareil de production, restant dans le giron de l'Etat, risquent de fermer. Aujourd'hui, si l'Algérie a bien avancé dans la mise en place d'une économie de marché : secteur privé prédominant, liberté du commerce et des prix, liberté accordée en principe à l'initiative privée, elle n'est pas sortie d'une logique de rente. Il faut voir là l'une des causes d'un taux de chômage hyperélevé chez les jeunes. L'efficacité et la compétitivité ne sont pas encore au rendez-vous. Résultat : comme en 1986, l'Algérie n'est pas, à moyen terme, à l'abri d'un retournement du marché pétrolier. K. R.