Axée principalement sur la crise financière internationale, l'Assemblée générale des Nations unies aura éludé la gravité de la situation se développant en Afghanistan et au Pakistan, outre le problème russo-géorgien, le tout s'inscrivant dans un cadre géostratégique aux prolongements dangereux d'un point de vue sécuritaire mondial. Autant du point de vue géopolitique que géostratégique, la guerre en Afghanistan et en Irak n'a pas encore dévoilé toutes ses cartes ; encore que les observateurs, plus ou moins initiés, ne se trompent pas sur les enjeux économiques qu'elle sous-tend sur fond de prolongements commençant à apparaître. De fait, la recomposition mondiale s'opérant depuis le démantèlement de l'URSS et l'élargissement de l'Union européenne ne pouvait manquer d'entraîner, en termes de stratégie économique, l'incitation à une conquête urgente de nouveaux marchés, tant de la part des Etats-Unis que de l'Union européenne. Dans un tel cadre, le pétrole et le gaz d'Asie centrale ne pouvaient échapper à l'attention des Américains et des Européens, principaux compétiteurs du nouvel ordre mondial tel que s'établissant depuis 1990. Aussi, aujourd'hui, à travers le conflit en Afghanistan, serait-il sans doute nécessaire de voir les faits autrement qu'établis publiquement par, d'une part, les Etats-Unis et leurs alliés, et d'autre part, par une nébuleuse terroriste islamiste dont il reste à découvrir les appuis et maîtres d'action autres qu'Oussama Ben Laden. Considérant que s'il est quasiment incontestable que l'attentat du World Trade Center a, pour origine, le terrorisme et l'intégrisme islamistes, entraînant, d'un point de vue légitime, la réaction américaine que l'on sait, faut-il, néanmoins se dire que la poudrière afghane offrait, depuis le retrait des troupes soviétiques, toutes dispositions à un embrasement régional dont on n'a pu et l'on ne peut, encore pas, pour l'instant, délimiter les limites d'un enchaînement certainement inéluctable au vu des passions politoco-populaires en exacerbation et d'intérêts économiques d'envergure planétaire. TERRORISME ET ENERGIE Plus loin, l'analyse simplifiée du terrorisme international, islamiste ou autre, ainsi que présentée aux opinions publiques, plus loin, également, que la mise en cause des services secrets américains ayant soutenu directement ou indirectement les moudjahidine afghans dans leur lutte contre l'occupant soviétique, favorisant, dans le même temps, l'émergence d'un ou plusieurs Ben Laden, force est de constater que les spécialistes en prospective et en polémologie, américains notamment, n'ont pas su prévoir l'effet de déstabilisation qu'entraînerait, à terme, le retrait soviétique d'une région pourtant réputée fragile au plan de la stabilité dès lors que confrontée à son environnement extérieur. Or, à cette heure, faudrait-il voir que c'est ce même environnement qui prend en étau l'Afghanistan, pays devenu pièce essentielle dans une logique d'acheminement non déclarée des hydrocarbures des pays riverains de la mer Caspienne, du désert des Kazakhstan et de l'Iran, avec ce que cela laisse supposer de réduction du transit de pétrole et de gaz vers l'Union européenne via la Russie. Ici, de commencer à mieux comprendre le casus belli géorgien et qui tend à prendre pied en Ukranie. Et, de se rappeler la déclaration du président des Etats-Unis, George W. Bush, affirmant que la guerre contre le terrorisme serait très certainement longue et qu'elle pourrait connaître un possible élargissement du fait d'intérêts politiques et économiques diamétralement opposés à ceux des Etats-Unis et de ses alliés... À ce stade, considérant l'importance des ressources pétrolifères et gazières d'Asie centrale, dans un contexte d'ouverture économique toujours plus grand, il resterait pour le moins inconcevable que la Russie et la Chine, notamment, restent totalement impassibles face au préjudice indirect pouvant leur être causé. Peu disposés à se rapprocher de l'Iran des ayatollah et encore moins disposés à dépendre de la Russie et la Chine pour leur approvisionnement, les Etats-Unis, plus que l'UE, n'en démordent pas moins de leur souci et de leur volonté de briser, en partie, leur dépendance, en ressources énergétiques vis-à-vis des pays du Proche-Orient. Et, quelque part, de se demander logiquement, si une telle démarche géostratégique ne viendrait pas à générer, d'ores et déjà, une sourde hostilité de la part des monarchies de la péninsule d'Arabie et du golfe Persique, lesquelles verraient se réduire leur suprématie en tant que producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz. Pareille appréciation viendrait, par ailleurs, à être confortée par une approche américaine tendant à rallier à leur position les pays arabes et musulmans modérés en promettant parallèlement le respect des revendications palestiniennes. Pourtant, demeure plus que jamais d'actualité, l'inconnue d'une équation qui a dépassé les frontières afghanes et résiderait bien, en fait, dans une plus grande exploitation des hydrocarbures d'Asie centrale où ont pénétré les grandes firmes pétrolières et gazières américaines et européennes. Instabilité régionale Jusqu'où iront ensemble Américains et Européens est une autre interrogation principale face à un Orient globalement instable depuis la guerre contre l'Irak et dont on voit les effets perdurants, cependant que ne cesse de se faire attendre une solution juste en Palestine…C'est que, sans vouloir faire preuve d'une vision apocalyptique, l'histoire est là pour nous dire que tout renversement d'alliance reste possible, dès le moment où divergent les intérêts des uns et des autres ; l'accord conclu entre Hitler et Staline étant le parfait exemple. Aussi, que Moscou et Pékin semblent adhérer à la logique de lutte contre le terrorisme international ne signifie pas qu'ils accepteront d'être écartés, sans dire mot, de l'important marché économique et stratégique que représente aujourd'hui l'Asie centrale… De même que l'Inde ne saurait rester insensible à une détérioration encore plus grande de la situation sécuritaire au Pakistan. Seule certitude, quelle que soit l'évolution du conflit en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et aux limites de la Russie, sur les bords de la mer Noire, d'affirmer qu'il a bouleversé toutes les données géopolitiques et géostratégiques jusque-là établies ; car, face à un quelconque risque majeur, des pays exportateurs de pétrole, autres que ceux du Proche-Orient, prennent une nouvelle importance, pouvant garantir l'approvisionnement des Etats-Unis et de l'Europe, s'agissant d'Etats tels le Venezuala, l'Argentine, l'Algérie et la Libye. Et l'Algérie ? Pour l'Algérie, sur plusieurs plans politiques et économiques, ses prises de position contre le terrorisme et l'intégrisme islamiste ont eu pour effet direct de réviser les jugements établis à son encontre, bien que les avantages qu'elle pourrait en tirer restent difficilement mesurables, en ce sens qu'ils devraient être englobés dans un cadre régional maghrébin sur fond de règlement de la question du Sahara Occidental. Ayant revu en profondeur ses positions en matière de politique extérieure, de noter les licences d'exploration des champs sahariens accordées depuis quelques années à de grandes sociétés américaines et de l'UE, de même que les nouveaux rapports et un certain rapprochement avec l'OTAN, sont bien les signes d'une révision de la politique extérieure de l'Algérie dans un cadre de changement stratégique en Méditerranée occidentale. En clair, plus qu'une guerre contre le terrorisme international, plus ou moins identifié, la guerre économique qui transparaît à travers la question d'Afghanistan ne manquera pas d'avoir d'importantes répercussions sur l'ordre mondial actuellement établi. Qu'adviendra-t-il en cas de démesure ? That is the question ! L. R. A.