C'est un policier et sa femme qui furent les premières victimes de cette nouvelle arme que l'ex-GSPC a commencé à utiliser au début de l'année 2005. Mais c'est en septembre de la même année que les Algériens prennent connaissance, à travers un article de Liberté, du nouveau mode opératoire que l'ex-GSPC n'hésitera pas à vulgariser jusqu'à le rendre l'arme préférée des groupes terroristes. Le maire de Ouled-Aïssa et son frère, un policier, ont failli, eux aussi, être tués par ce procédé. La bombe reliée à un Nokia de couleur orange, placé sous le châssis de leur 305, sera aperçue par un gamin de 11 ans qui voulait ramasser son ballon coincé entre les roues de la voiture. Quelques semaines plus tard, deux gendarmes trouvent la mort à Sahel Bouberak, dans un attentat commis selon ce moyen. La semaine qui suit, c'est un autre attentat perpétré toujours par le même procédé à Sidi Daoud. À chaque fois, la police scientifique recueille sur les lieux de l'explosion les débris de téléphones portables. Les groupes terroristes, qui n'arrivent pas à engager des batailles au corps à corps avec les services de sécurité, viennent de trouver la parade pour perpétrer leurs attentats. Ainsi, plus de 95% des attentats seront commis par des bombes actionnées à distance. L'ex-GSPC pousse le bouchon jusqu'à approvisionner en téléphones portables des jeunes non fichés pour s'attaquer aux éléments des services de sécurité. Le chef de la BMPJ de Boumerdès a échappé de justesse à un attentat commis en plein centre de Boumerdès. C'est un jeune qui se trouvait dans un véhicule qui actionne la bombe enfouie dans une plate-bande. Un mois plus tard, c'est un ambassadeur africain qui échappe à un attentat à Naciria. La bombe, qui n'a fait que des dégâts matériels, était enfouie sous terre. À Legata, ce sont deux jeunes mineurs qui ont actionné un engin explosif ayant fait deux blessés parmi les gendarmes des Issers. À Thénia, la police arrête des collégiens en leur possession des téléphones portables mis à leur disposition par l'“émir” de Thénia, Gouri Abdelmalek. La plupart des puces portent la marque de l'opérateur Nedjma. Les enfants expliquent plus tard ce choix devant le juge par le fait que ces puces disposent de l'option “appel masqué”. Les terroristes n'hésitent pas à utiliser le téléphone portable pour perpétrer les attentats kamikazes. En plus de son utilisation dans des attentats, le téléphone muni de “la puce bâtarde” sera également offert gratuitement par les terroristes à leurs éléments de soutien pour guetter les mouvements des services de sécurité. La maffia du sable adoptera également ce moyen jugé idéal pour éviter les barrages des gendarmes et de la police. En plus de cette nouvelle bombe, l'opinion publique découvre “la puce bâtarde” que les terroristes n'éprouvent aucune difficulté à acquérir auprès de n'importe quel kiosque ou revendeur de téléphones portables. Les puces qui devraient être cédées par le biais d'un contrat avec les opérateurs de téléphonie mobile se vendent comme des sandwichs. Les opérateurs de téléphonie n'ont pas trouvé, dans les moments qui ont suivi les premiers attentats commis à l'aide de cette arme, les réponses à l'anarchie qui régnait dans le circuit de la distribution. Il a fallu d'autres bombes et d'autres morts pour que le téléphone portable et la puce deviennent une affaire de sécurité publique. Les autorités du pays décident de mettre fin à ce désordre. Les trois opérateurs ont été invités à prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin à ces pratiques, mais les efforts déployés par les opérateurs se sont avérés insuffisants, voire insignifiants devant l'ampleur du chaos. Les bombes ont continué à exploser, les groupes criminels à multiplier leurs exactions grâce à ce moyen, les appels anonymes et les plaintes des citoyens de plus en plus nombreux, bref la situation est devenue insupportable, mais toujours aucune décision sérieuse n'a été prise, puisqu'aucun point de vente n'a été fermé ni de revendeur inquiété. Les différents responsables interrogés ont toujours affiché leur volonté de mettre fin à cette situation, mais ils se sont montrés plutôt évasifs lorsqu'il s'agit des “décisions pratiques à mettre en œuvre” pour stopper le phénomène. Il a fallu l'explosion d'autres bombes plus puissantes et plus meurtrières pour que les responsables concernés décident enfin d'agir, mais cette fois-ci, ce sont les services de sécurité qui montent au créneau pour exiger des mesures appropriées face à ces pratiques. Par ailleurs, sur un autre plan, les services de la Gendarmerie nationale comme les services de la police enregistrent chaque jour des centaines, voire des milliers de plaintes d'appels anonymes mais la plupart ne sont pas identifiables. Au harcèlement sexuel par téléphone, à la demande de rançon en passant par les menaces de mort, tout y est. “La puce bâtarde” est devenue non seulement une arme redoutable entre les mains des terroristes du GSPC, mais aussi un moyen efficace entre celles de délinquants et de criminels notoires. Ainsi, des centaines de milliers de ces puces sont vendues sans contrat. “C'est notre pire ennemi”, explique un officier de la gendarmerie de Boumerdès qui a élucidé des centaines d'affaires grâce au téléphone muni d'une puce légale. “Mais des centaines d'autres sont impossibles à traiter à cause de cette puce sans identité, et nous n'aimons pas dire aux citoyens cette vérité amère car nous devons être à leur écoute et à leurs côtés”, a ajouté notre interlocuteur. Pour rappel, la réglementation oblige les points de vente à exiger des clients la photocopie des pièces d'identité et la signature d'un contrat dûment rempli pour toute puce vendue. Cette réglementation est valable pour tous les pays du monde, et certains gouvernements notamment européens, ont depuis les attentats d'Espagne de mars 2004, perpétrés par téléphone, pris d'importantes mesures législatives et de contrôle dans le secteur de la distribution de téléphones portables. M. T.