Certains l'appellent l'“écrivain de l'Afrique”, d'autres “le peintre de la vie moderne” ; il faudra désormais ajouter à ces qualificatifs élogieux celui prestigieux de prix Nobel de littérature 2008. En portant son choix sur Jean-Marie Gustave Le Clézio, l'Académie suédoise annonçait, dans son communiqué du 9 octobre dernier, qu'elle récompensait ainsi un “écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante”. Le 10 décembre prochain, l'auteur de Le chercheur d'or recevra à Stockholm un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (1,02 million d'euros). Il sera d'ailleurs en Suède quelques semaines auparavant pour y recevoir, le 25 octobre prochain, un autre prix littéraire, le Stig Dagerman. JMG Le Clèzio succède ainsi à la Britannique Doris Lessing, lauréate 2007, et, du coup, permet à son pays de réinvestir le palmarès du plus prestigieux prix littéraire qu'il avait “quitté” depuis 2000 et le couronnement de Gao Xingjian (un Chinois fraîchement naturalisé). Interviewé par la radio publique suédoise P1, quelques minutes après l'annonce officielle de son obtention du prestigieux prix, JMG Le Clézio déclarait : “J'en suis très touché, très ému et c'est un grand honneur pour moi. Je remercie avec beaucoup de sincérité l'académie Nobel”. Se considère-t-il comme un auteur simplement “français”, ou plus largement “francophone” ? “Je ne crois pas que l'on puisse faire la distinction. Je suis né en France, j'y ai fait mes études, mon père était britannique, je suis plus un mélange comme beaucoup de gens dans le monde”. Une réponse qui ne surprendra guère ceux qui connaissent la vie et l'œuvre de Le Clézio. Tous ceux qui se sont retrouvés à noircir des pages à son sujet ont souvent eu du mal à le cataloguer, et même la notion de “pays” les a souvent plongés dans le désarroi. Né à Nice le 13 avril 1940, d'un père anglais et d'une mère bretonne, tous deux originaires de l'île Maurice, Le Clèzio a, tout au long de sa carrière, plus ou moins joué sur cette ambiguïté. Une carrière entamée par un coup d'éclat dès son premier roman, à 23 ans, le Procès-verbal, grâce auquel il obtient le prix Renaudot. Une œuvre qui annonçait déjà un auteur prolifique et la désorientation future de ses lecteurs par des chamboulements de genre, de situation des plus farfelues au plus “standards”. Le conflit entre la nature et la civilisation humaine au cœur du Procès-verbal reviendra souvent dans ses livres. Suivront de nombreux romans, essais, nouvelles, traductions, et bien d'autres “formes” dans lesquelles il essayait de “matérialiser” ses convictions écologiques et surtout sa critique des ravages provoqués par la société occidentale, notamment dans le Tiers-Monde. Il fut un défenseur acharné de la forêt amazonienne, des steppes africaines, mais aussi des hommes, notamment ces Vietnamiens qui résistaient avec une incroyable bravoure à la première armée du monde, avant de la terrasser à Saïgon, un certain 30 avril de l'année 1975. Plus près de nous, dans Désert (publié en 1980 et considéré par beaucoup comme son meilleur roman), l'écrivain dépeint une Targuie sous l'emprise de la passion avec l'âme du Sahara comme toile de fond. Les sujets qu'il a très souvent abordés émanaient plus d'un nomade voyageur que d'un écrivain “cadré”. Les très nombreux fans de JMG Le Clézio s'en sont toujours félicités et son accession au gotha du Nobel, le plus prestigieux prix littéraire du monde, vient, sans aucun doute, les conforter dans leur jugement. Salim KOUDIL