Plusieurs personnes se sont retrouvées devant la justice pour pratique d'un culte autre que l'islam. D'autres ont été inculpées pour non-respect de cette religion. Les juristes crient au scandale et au détournement de textes de loi. Le nombre de procès de type religieux ne cesse d'augmenter dans plusieurs wilayas du pays. La dernière affaire remonte au 29 septembre dernier, date à laquelle six personnes ont été inculpées pour non-respect d'un fondement de l'islam, par le tribunal de première instance près de Biskra. Le cas de ces dernières a soulevé un tollé qui vient de remettre au goût du jour le sort des libertés individuelles et celui du culte. Alors que les politiques ne cessent de répéter que la pratique religieuse est préservée par la Constitution, la réalité est tout autre. Rien que pour cette année, on assiste au sixième procès du genre. On parle également d'acte isolé des hommes de loi, qui agissent selon leurs propres convictions. Comment peut-on expliquer ce type de contradiction ? Serait-ce un retour à l'islamisme politique à la faveur d'une justice où le magistrat se donne la liberté d'une lecture extensive de la loi ? “J'ai honte pour mon pays, lorsque j'entends dire que des personnes ont été jugées pour exercice de religion. Il est tout à fait incompréhensible et politiquement inadmissible que l'Algérie fasse parler d'elle dans des rapports internationaux comme un pays qui persécute les tenants d'un culte. Bien entendu, le mot persécution est exagéré”, s'indigne Miloud Brahimi, juriste et avocat au barreau d'Alger. La question de la pratique d'un autre culte en terre d'islam ne se pose pas qu'en termes confessionnels, mais se distingue par la politique établie par les gouvernements pour défendre les minorités religieuses face à la montée de l'extrémisme islamiste. Pourtant, l'islam de l'époque du Prophète (QSSL) et des califes s'est intéressé à la question de la tolérance et de la protection des minorités religieuses, notamment le christianisme. En effet, dans le Coran, les chrétiens et les juifs sont considérés comme détenteurs des saintes écritures ou des gens du Livre Saint, donc destinés à un sort privilégié par rapport aux païens. Ce statut particulier réside dans le fait qu'il établit, d'une part, un régime préférentiel pour les gens du Livre, ce qui va dans le sens de l'idée de liberté religieuse. Cependant, la réalité des relations interconfessionnelles est loin d'être aussi cordiale que le discours officiel veut le laisser entendre. Ces dernières années, notamment l'année en cours, nous assistons à un véritable conflit religieux au niveau de la justice où des magistrats appliquent la loi selon leur propre lecture des textes et leurs propres convictions religieuses. Depuis la promulgation de la loi 2006 contre le prosélytisme sauvage, les procès de type religieux ne cessent d'augmenter. À tire de rappel, il y a deux ans de cela, deux personnes ont été arrêtées à Béjaïa dans un restaurant durant Ramadhan pour non-observation du jeûne ; en 2007 deux autres personnes ont été jugées à Tissemsilt pour pratique d'un culte autre que l'islam et pour prosélytisme. L'année 2008 a été la pire pour la liberté de culte. Elle a été marquée par plusieurs affaires en justice, à savoir l'affaire Habiba Kouider, inculpée par le tribunal de Tiaret en mai dernier pour pratique d'un culte non musulman sans autorisation. Quatre autres Algériens ont été également condamnés à la prison avec sursis pour conversion au christianisme par le même tribunal en juin dernier. L'affaire la plus récente reste celle du 29 septembre, à Biskra, où les six individus dont l'âge varie entre 32 et 53 ans ont été surpris, au cercle du club de football local de l'USB, par une brigade de la Sûreté nationale en train de jouer aux cartes, une bouteille d'eau près d'eux en plein mois sacré. Auparavant, le même magistrat a également condamné une jeune femme, Samia S., à 10 ans de prison ferme pour atteinte au Coran. Durant le même mois de septembre, 27 autres personnes ont été arrêtées dans la même wilaya, pour avoir mangé publiquement durant le mois de Ramadhan. Même si les six inculpés de Biskra et les quatre individus de Tiaret ont été acquittés en appel, l'affaire Habiba ainsi que celle de Samia S. restent toujours pendantes. Il faut savoir que la plupart de ces affaires judiciaires ont été marquées, selon leur avocat, par un manque flagrant de preuves contre les inculpés. “Ces inculpations pour pratique de christianisme ou non-respect d'un fondement de l'islam, démontrent simplement une intolérance envers toute religion que ça soit l'islam ou autre”, explique Me Miloud Brahimi. N. A. Lire tour le dossier en cliquant ici