Il appartient à Ahmed Ouyahia de décliner sa “feuille de route”. La crise de Kabylie aura été, encore une fois, au cœur des réponses du Chef du gouvernement, longuement interpellé sur la question, la veille, par les députés. Fidèle à la démarche qu'il a toujours préconisée, Ahmed Ouyahia a réaffirmé sa détermination à relancer la machine du dialogue, le vrai. Celui qui doit se faire avec les authentiques représentants du mouvement citoyen de Kabylie, comme il a tenu à le souligner. Une manière aussi de vouloir tourner définitivement la page avec le rocambolesque épisode du “dialogue taïwan”, lancé par son prédécesseur, Ali Benflis, dont la sincérité et la volonté avérées n'ont pu désamorcer la crise. “C'est une expérience dont il faut tenir compte”, concède, néanmoins, Ouyahia qui veut manifestement s'y prendre autrement. Au lieu d'attaquer par la bande avec de vrais-faux émissaires du pouvoir qui ont vainement multiplié les allées et venues en Kabylie, depuis plusieurs mois, le Chef du gouvernement veut se “colleter” directement avec les porteurs de la plate-forme d'El-Kseur. “Je ne fais pas de recrutement”, lance t-il à ce sujet, en recommandant aux éventuels intermédiaires qui ne manqueraient pas de proposer leurs bons offices d'aller voir directement avec les archs. Cette recommandation s'adresse aussi aux chapelles politiques qui voudraient s'ériger en interlocuteurs du pouvoir. Après avoir décliné la substance de la démarche qu'il compte mettre en branle, s'il y a bien sûr du répondant de l'autre côté, Ahmed Ouyahia s'est longuement attardé sur le mouvement de Kabylie. D'abord, pour ramasser magistralement les islamistes auxquels il dénie le droit de comparer les délégués des archs, des “pacifistes, dit-il aux hordes terroristes, qui ont mis à feu et à sang le pays”. Se permettant même une entorse à la sacro-sainte obligation d'utiliser la langue arabe, Ahmed Ouyahia a parlé pendant plus de cinq minutes dans un Kabyle châtié en s'adressant plus au cœur qu'à la tête des animateurs du mouvement. “Nous comprenons votre colère. Elle est légitime, nous nous inclinons devant la mémoire des martyrs de votre cause”, clame-t-il en faisant référence à la plate-forme d'El-Kseur. Récusant par ailleurs, l'argumentaire des islamo-baâthistes qui accuse le mouvement de Kabylie d'être une dynamique centrifuge qui cherche l'autonomie de la région, le Chef du gouvernement dira : “Au contraire, les archs ont à maintes occasions démontré leur attachement à l'unité de l'Algérie.” Mais, ce qui est valable aujourd'hui ne peut l'être demain, avertit-il. Une manière de dire que si les doléances exprimées par les jeunes de Kabylie ne trouvent pas d'écho favorable au sein des instances dirigeantes du pays, en continuant à leur apporter des réponses biaisées, les sirènes de l'autonomisme pourraient alors les séduire, en désespoir de cause. Ainsi donc, Ouyahia met-il en garde contre la tentation qui consisterait à entretenir le pourrissement. À la lumière de ce qu'il avait déclaré solennellement, hier, devant les députés, à savoir sa volonté d'engager un dialogue sincère, avec les authentiques délégués, on se demande si Ahmed Ouyahia a carte blanche. Ce qui voudrait alors signifier qu'il y a une réelle volonté d'en finir avec le bourbier kabyle. Il appartient donc à Ahmed Ouyahia de décliner sa “feuille de route” et aux coordinations de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira de se prononcer sur cette nouvelle offre de dialogue qui pourrait être celle de la dernière chance. N. S.