Comme attendu, le Conseil des ministres, tenu hier sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika, a adopté les amendements introduits dans le projet de révision constitutionnelle appelé à être avalisé dans les prochains jours par les deux Chambres du Parlement. Selon le communiqué de la Présidence rendu public en début de soirée, le premier volet concerne “la protection des symboles de la glorieuse révolution de Novembre”. Ainsi l'article 5 révisé de la Constitution, qui disposait que “l'emblème national, le sceau de l'Etat et l'hymne national sont définis par la loi”, devient dans l'esprit du projet “l'emblème national et l'hymne national sont des conquêtes de la révolution du 1er Novembre 1954 et sont immuables”. L'article en question consignera également “les caractéristiques de l'emblème national ainsi que l'hymne national Quassaman dans l'intégralité de ses couplets”. Loin d'être fortuits, ces amendements, au-delà du clin d'œil lancé à la famille révolutionnaire dans ses diverses composantes, toujours puissante, visent confusément à “répondre” à la loi du 23 février qui glorifiait le passé colonial de la France. Jusque-là définis par une loi organique, l'emblème et l'hymne nationaux doivent être considérés désormais comme “des butins de guerre”, pour reprendre la célèbre formule de Kateb Yacine, arrachés grâce à la révolution et sont inchangeables. Une autre nouveauté, l'hymne, dont un couplet qui évoquait la France a été supprimé des manuels scolaires un moment du temps de Chadli, sera constitutionnalisé dans l'intégralité de ses couplets. “À travers cet amendement, il s'agit de renforcer la place des symboles de l'Etat qui sont un patrimoine que partagent les générations et que, par conséquent, nul ne peut modifier, instrumentaliser ou remettre en cause”, note le communiqué. Le second volet du projet concerne “la promotion de l'écriture et de l'enseignement de l'histoire”. Il est désormais fait obligation à l'Etat, outre la garantie du respect des symboles de la Révolution, la mémoire des chouhada et la dignité de leurs ayants droit et des moudjahidine, comme stipulé dans l'article 62 de la Constitution en vigueur, de “promouvoir l'écriture de l'histoire et son enseignement aux jeunes générations”. Inspiré peut-être par la récente polémique autour des “faux moudjahidine,” mais aussi par d'autres polémiques autour de certaines zones d'ombre de l'histoire, cet amendement complète aussi ce souci de mettre en valeur l'histoire nationale à travers l'enseignement, même si, jusque-là, elle a constitué, à côté de la culture, le parent pauvre de l'Ecole algérienne. Enfin, un troisième volet, évoqué déjà dans le discours du Président, a trait aux droits de la femme. Un autre article, en effet, 29 bis stipule désormais que “l'Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues”. L'article 29 actuel dispose, pour rappel, que “les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale”. “Cette nouvelle disposition constitutionnelle, dont les modalités de mise en œuvre seront fixées par loi organique, est une reconnaissance des sacrifices consentis par la femme algérienne durant la résistance nationale et la révolution armée, de sa contribution à l'œuvre d'édification nationale et du courage exemplaire dont elle a fait preuve pendant la douloureuse tragédie nationale”, selon le projet de loi. Il faut donc attendre la loi organique pour prendre connaissance des droits dont les femmes, ligotées par le code de la famille, seront gratifiées. Karim Kebir