“En matière d'aménagement urbain et de développement durable, ce qui se projette à la baie d'Alger est inquiétant. Il y a une incohérence grave entre la stratégie de développement urbain et l'implantation des projets. On se contente d'une logique d'occupation du sol sans avoir réfléchi à élaborer avant toute chose une stratégie de développement durable.” Ces propos ont été tenus par la professeure Ewa Berezowska-Azzag, directrice du laboratoire urbanisme et développement durable à l'Epau d'Alger. Elle intervenait hier à Oran, lors du colloque “Aménagement urbain et développement durable” organisé par l'université de l'Usto et le Crasc. L'intervenante a expliqué que pour nombre de chercheurs, l'aménagement de la baie d'Alger, tel que projeté à l'heure actuelle par les autorités, mènera inévitablement à des incohérences très préjudiciables pour la qualité de vie : “Ce qui est prévu dans la baie d'Alger, comme la grande mosquée, le village touristique, etc. où ce sont des étrangers qui sont présents — des Emirats, des Coréens, des Chinois etc. — sont des projets en fait ponctuels et parachutés parce que c'est un endroit prestigieux et parce que c'est l'un des rares endroits où il y a encore une disponibilité foncière. Or, tous ces projets vont densifier la zone et personne n'a pensé ce que cela implique, c'est-à-dire plus de population, plus de rejet, quelle ressource en eau disponible. Il y a aussi un problème de remontée des eaux, c'est une zone sismique avec un risque de tsunami qui existe, etc. Comment pourront-ils gérer le flux de la population, son évacuation en cas de catastrophe, ou pour ses déplacements tout simplement ?” Pour l'intervenante, les outils de réglementation qui sont utilisés comme les PDAU sont totalement dépassés aujourd'hui, même si celui d'Alger est encore en élaboration, et les chercheurs de demander aux pouvoirs publics de se départir de cette logique simpliste : “Chercher une assiette foncière et penser occupation du sol.” Une démarche qui part du postulat “faire une projection de la population donnée, évaluer le nombre de logements qu'il faudra, après les activités à y implanter et les services”. La professeure Ewa Berezowska-Azzag a expliqué, dans sa communication qui avait pour thème “Croissance urbaine planifiée aux états limites”, qu'il y avait des propositions concrètes qui ont été faites pour ce qui touche à la politique d'aménagement urbain et de développement durable avec encore ce souci d'éviter une catastrophe à la baie d'Alger. “Toutes les recherches comparatives que nous faisons montrent maintenant dans le monde que l'on ne se soucie pas seulement de l'occupation du sol, mais ce qui est pris en compte, c'est l'écosystème urbain, tout ce qui est social, économique et préservation environnementale qui prime et qui est la stratégie de départ ; une stratégie qui plus est devant rester évolutive ; c'est cela les outils modernes du développement urbain et du développement durable.” Pour les urbanistes et les adeptes du développement durable, la problématique à prendre en compte est de déterminer qu'elle est la capacité de charge territoriale du site, les notions environnementales, ou encore comment maîtriser la croissance urbaine. Autant de préoccupations et de défis qui ont été soulevés par d'autres intervenants lors de ce colloque, avec des exemples de villes algériennes ; toutes les grandes villes algériennes, est-on tenté de dire, sont confrontées à la logique du développement urbain, ou plutôt d'étalement urbain où la qualité de vie, la préservation environnementale sont gommées. DJAMILA LOUKIL