A entendre les présidents d'APC et les représentants de la société civile des quatre communes qui compose la daïra de Draâ El Mizan, située à environ 45 kilomètres au sud de Tizi Ouzou, on croirait facilement qu'on est encore dans les années 1970. Les constats dressés et présentés par les représentants de la population locale lors du dernier conseil de wilaya consacré à cette région donnent froid dans le dos. Les problèmes récurrents, soulevés lors de ce conseil sont liés bien évidemment au développement de cette région qui semblent être, de par les manques signalés et les conditions de vie de ses habitants, une des régions les plus déshéritées et enclavées de la wilaya et donc à classer dans le bas du tableau du développement de la wilaya qui est déjà, en général, peu reluisant. L'alimentation en eau potable, l'électrification et l'alimentation en gaz naturel, le logement, les travaux publics, la sécurité, les loisirs, le développement économique, la couverture sanitaire, l'environnement et l'éducation sont des domaines très sensibles où les quatre communes à savoir Draâ El Mizan, Aïn Zaouïa, Frikat et Aït Yahia Moussa enregistrent des retards énormes et difficiles à rattraper en quelques années. “Nous avons reçu 5000 demandes de logements sociaux locatifs et 1172 d'entre elles sont éligibles, auxquelles s'ajoutent 500 demandes LSP et 879 cas d'habitat précaire recensés mais nous n'avons pas de programmes de logements pour répondre à tous ces besoins”, a expliqué le P/ APC de Draâ El Mizan ajoutant : “Nous avons aussi des problèmes de travaux publics, un secteur qui accuse un énorme retard dans notre région, un problème d'aménagement du territoire puisque même le programme de 2006 n'est pas encore réalisé”. A ces nombreux problèmes s'ajoutent, explique le même maire, ceux de l'aménagement des écoles, de manque de salles de sport puisque la seule salle existante a été détruite par les intempéries de 2005 et n'est pas réparée jusque-là, l'insuffisance de l'alimentation en eau potable et surtout celui de la prise en charge des dégâts causés par les incendies durant l'été dernier. “Sur le plan des infrastructures, il est à signaler que la garde communale s'est installée dans une mosquée et une agence postale”, explique-t-on lors de ce conseil. Les représentants de la société civile tout en évoquant les artères dégradées, l'absence de centre d'enfouissement technique des foyers encore non raccordés au réseau électrique et de gaz de ville n'ont pas cessé durant leurs interventions de réclamer des conditions de vie décentes. Les représentants de Aïn Zaouïa, tout en énumérant des problèmes du même genre ont ajouté que dans leur commune même les établissements scolaires n'ont pas de clôtures. Ils se plaignent aussi de l'insuffisance de la couverture sanitaire, de manque de transport scolaire et de tout projet créateur d'emplois au point où le chômage a atteint les 60% dans cette commune. Ceux d'Aït Yahia Moussa qui vivent au rythme des mêmes insuffisances ont surtout mis l'accent sur le fait que leur oliveraie, seule richesse de la commune, a été ravagée par les incendies sans que des solutions ne soient apportées par les autorités. “Dans notre commune connue beaucoup plus pour la fermeture des routes et du siège d'APC par les citoyens toujours en colère, au moins 80 foyers ne sont pas encore raccordés au réseau d'électricité”, expliquera le président d'APC. “Notre commune a tout donné à l'Algérie, au moins cinq colonels de l'ALN, et aujourd'hui l'Algérie ne nous a rien donné. Nous ne revendiquons pas la part du lion mais que le développement soit réparti équitablement”, dira un représentant de la société civile. “A Frikat, nous manquons d'un lycée, du ramassage scolaire, nous courons des risques liés à l'environnement et l'habitat précaire existe toujours”, dira le maire de cette commune. En matière d'alimentation en eau potable, ajoutent ses accompagnateurs “le chef- lieu est alimenté à raison de 30 minutes chaque 15 jours et les villages 20 minutes chaque 15 jours”. “Dans les cantines scolaires, les filles sont plus ou moins prises en charge mais les garçons sont contraints de se nourrir de limonade et de biscuits en guise de repas de midi à l'extérieur de l'établissement”, ajoutera un autre. A entendre les directeurs des différents secteurs répondre aux doléances des intervenants, c'est à croire plutôt que tout va pour le mieux puisque, disent-ils, d'importants programmes sont lancés. Le wali qui semble prendre plus au sérieux les constats dressés avait répondu de manière à rassurer les habitants de Draâ El Mizan tout en lançant des fléchettes aux membres de son exécutif. “Il est vrai qu'il faut s'inscrire dans une démarche logique en arrêtant un ordre de priorités puisqu' il ne faut pas mentir en disant que le développement peut être assuré en quelques années mais certaines choses relèvent plutôt d'une irrationalité dans leur gestion” citant en exemple des unités de soins qui ferment à midi alors qu'elles sont censées ouvrir toute la journée. “Autant ne pas construire des immeubles si on ne peut pas assurer un service”, dira t-il en s'adressant au directeur de la santé. Expliquant sa stratégie de travail, le wali explique qu' “on doit d'abord régler définitivement les questions récurrentes qui reviennent chaque année et en même temps créer les conditions d'un développement économique certain”. “Il faut juste savoir patienter le temps de régler les problèmes de fond, c'est-à-dire de base avant de passer à autre chose”, dira-t-il avant de conclure : “On ne peut pas commencer par mettre le carrelage et l'enrobée qui vont se dégrader juste après, ça relève de l'irrationnel”. Samir LESLOUS