El-Bahia s'étend, grandit et s'élargit indéfiniment, considérablement dans le désordre. Le Vieil Oran est cerné par les bidonvilles qui poussent allègrement à l'ombre de l'absence de l'Etat et des multiples effondrements qui le dévorent de l'intérieur. Cette “chose” informe efface de plus en plus les traces d'Oran, ses soirées tardives, son raï, son Front de mer et ses éclats de rire. Plus rien de cette ambiance qui a cédé devant les conséquences d'un cosmopolitisme incohérent et sans contenu. Même le festival du raï est devenu nomade. Virage dangereux induit par l'exode massif pour cause de terrorisme. Exode qui a encombré la ville et lui a créé des tentacules en ces laids bidonvilles où le moyen de transport demeure “le primitif” dos- d'âne. La ville est comme un chantier jamais achevé, en lambeaux. Et dans ses obscurités abrite toute une faune de voleurs et d'escrocs. Même si la ville garde ses senteurs et ses airs, il ne se passe pas un jour sans que l'on signale un vol, une agression ou une arrestation. Elle s'est d'ailleurs, depuis le milieu des années 1990, forgée la réputation de ville dangereuse. Vague souvenir des longues nuits rythmées au raï alors que ce début décembre lui donne une apparence davantage sombre, lugubre et sinistre comme sont devenues certaines de ses rues qui se “referment” dès la tombée de la nuit. Rares sont ceux qui s'y aventurent, et les Oranais ont changé leurs habitudes. Les quelques hôtels de luxe et les villas privées sont leurs refuges surtout que même “el ghaba”, la forêt de pins qui abrita bien des étreintes arrosées aux effluves raï que des chebs ont immortalisées. “Il est déconseillé de s'aventurer par ici, même la journée”, conseilla le premier responsable de la gendarmerie d'Oran. Depuis l'effondrement d'un pan du tunnel du Front de mer, il faut passer par la forêt surplombant Oran pour aller à Aïn El-Turck. La sphère de violence connaît une extension à la mesure de la ville, et la couverture sécuritaire demeure insuffisante devant l'ampleur des délits. La situation s'est dégradée davantage lorsque les hordes sauvages se sont attaquées aux symboles culturels, Rachid Baba Ahmed, Alloula, Hasni… ce qui a poussé les survivants à aller “survivre” ailleurs. Une partie de ceux qui ont fui leurs douars d'origine ont découvert l'arrogance de la nouvelle bourgeoisie, l'autre face de la misère et ont tout naturellement recréé la violence, plantant le décor du terrain où se diluera “toute la camelote” de la contrebande. Mais le renforcement du dispositif dans les villes frontalières avec le Maroc a eu l'effet de diminuer l'activité des bandes d'Oran. Pour les dix premiers mois de l'année 2008, il a été saisi plus de quatre quintaux de kif et 1 564 comprimés de psychotropes. Comme ont été enregistrés 11 911 délits durant la même période. Dans les 149 affaires liées à la contrebande, les saisies, produits alimentaires, cigarettes, effets vestimentaires, pétards, sont estimés à un peu plus de 7 milliards de dinars. Oran, c'est aussi, depuis peu, les “flots” de clandestins et de harragas. Depuis les incidents de Melilla, les Subsahariens sont de moins en moins présents à la frontière ouest. Ils ont posé pied à Oran où ils ont constitué un ghetto. “Nombre d'entre eux sont rentrés de manière légale, avec des documents de séjour”, a précisé le commandant du groupement. Les incidents avec la population locale sont courants. Parmi ces migrants, il y a les clandestins (en situation irrégulière), et les prétendants à la harga. Dans la première catégorie, la gendarmerie a arrêté 146 personnes de différentes nationalités. En tête, on trouve les Marocains (129), des Maliens (59), des Nigérians (82), 8 Syriens, 2 Ivoiriens et 3 Tchadiens. Dans la catégorie harragas, la GN a eu à traiter 7 affaires et arrêté 95 personnes dont deux femmes. Il s'agit de 75 Algériens, 12 Marocains, 7 Bangladeshis et 1 Egyptien. La présence de l'Egyptien et des Bangladeshis peut s'expliquer par le durcissement au niveau des accès traditionnels menant vers l'Italie et la Grèce via les pays de l'Europe de l'Est et la Turquie. Quant aux candidats algériens, leur nombre a sensiblement diminué. L'étau se resserre sur les filières et les côtes mises sous contrôle permanent a poussé les prétendants à l'aventure à opter pour la côte est du pays. Le ciel gris semble descendre davantage sur Oran qui se recroqueville dans une sorte de couvre-feu qu'imposent les délinquants sur une majeure partie du centre-ville. Le maillage sécuritaire a beaucoup influé sur Oran. “Ca fait bien longtemps que les Oranais n'ont pas vécu un Ramadhan calme comme cette année”, a indiqué le patron oranais de la GN qui s'appuie sur la baisse des délits en 2008 comparativement à l'année précédente. Pour autant, les Oranais sont réduits à “écouter le raï à la maison” et à passer leur week-end dans de grands hôtels ou entre amis. Il semble bien loin le temps où chaque boÎte accueillait un cheb, les familles longeaient le Front de mer, savouraient la vie d'Oran aux airs d'Espagne. L'optimisme sécuritaire sonne comme une promesse de rendre à la ville sa quiétude et ses rires aux éclats. Djilali B.