La ville d'Oran a été l'hôte, du 28 juillet au 3 août, d'un événement exceptionnel, dédié au cinéma arabe... L'accueillante El-Bahia a vécu, le temps d'une semaine, une aventure sans pareille. Et pour cause, beaucoup des vedettes du Maghreb et du Moyen-Orient ont rehaussé de leur présence le charme de la ville des Lions. Au programme, 26 films et 30 courts métrages ont concouru pour le trophée de l'Ahaggar d'or. Il y eut, en plus, la projection de deux longs métrages en hommage au regretté Ahmed Zaki (Halim 2005) et Mohamed Lakhdar Hamina (La Dernière image, 1986). Parallèlement à cela, figurait aussi au menu la projection de cinq nouveaux films espagnols...Le Festival international du film arabe qui s'est ouvert sous le thème de «l'Ahaggar» a été motivé par un choix délibéré. «Car l'Ahaggar offre en récompense la passion de la vie réduite à l'essentiel. Qu'on ne dise pas qu'il humilie l'homme par trop de grandeur. Au contraire, il lui restitue sa dignité. C'est l'esprit du festival. Le désert exprime une réelle émotion. Celle qui nous saisit lorsque, les cris et les bruits du jour atténués, le grand silence nocturne s'étend sur l'immensité de cet espace. De ce fait, le cinéma et l'Ahaggar, deux monstres sacrés, seront les deux esprits qui survoleront ce festival et qui seront les humbles serviteurs de la langue arabe...» nous a-t-on expliqué. L'esprit y était fortement à l'ouverture où le groupe Gaâda Diwan Béchar a animé un superbe concert sous l'oeil émerveillé des invités arabes... C'est l'acteur Hussein Fahmi qui a eu l'honneur de présider le jury des longs métrage tandis que le comédien et réalisateur marocain, Rachid El Wali, était à la tête du jury des courts métrages. 13 pays arabes aux côtés de l'Algérie ont participé à cette première édition du Festival international du film arabe, inauguré par la ministre de la Culture, Khalida Toumi. Un festival qui s'est décliné avec plusieurs projections par jour, dans quatre salles différentes (Le Colisée, l'hôtel Sheraton, la Cinémathèque et le Théâtre de verdure), en plus des conférences de presse à l'hôtel Royal et des projections en plein air qui ont eu lieu dans divers quartiers de la ville d'Oran, notamment dans la cour d'Aïn Turk, Gambetta et le Front de mer...«L'Algérie mérite d'avoir son festival, si on prend en considération l'apport irréfutable des cinéastes algériens pour le cinéma arabe de toutes les époques», c'est en ces termes que le président du jury, l'indétrônable acteur égyptien Hussein Fahmi, a débuté son allocution lors de la cérémonie d'ouverture. Et d'ajouter: «L'idée de la création d'un Festival du cinéma arabe en Algérie était en gestation depuis plusieurs années. En ma qualité de président du jury du célèbre Festival du Caire, j'ai longuement discouru avec des cinéastes algériens de renom, notamment mon ami Ahmed Rachedi afin de trouver l'opportunité d'instaurer un festival qui réunira tous les artistes et cinéastes arabes. Je suis motivé pour établir une coordination constructive entre les différents festivals du cinéma arabe. La création d'une commission englobant les différents festivals, à savoir ceux de Carthage, du Caire, d'Abou Dhabi, de Dubaï et de Marrakech, est le cheval de bataille des caciques du 7e art.» Le festival, malgré les embûches rencontrées au départ, a su s'améliorer et trouver son rythme de croisière, chemin faisant. Quelques notes d'effervescence protocolaires dans l'air ont émaillé son organisation. La présence du président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, n'est pas passée inaperçue. La prise en charge des journalistes en a été grandement affectée. Le président de la République a tenu à rencontrer les festivaliers à l'hôtel Sheraton où ils étaient hébergés. Profitant de son passage à Oran, M.Bouteflika a tenu à saluer les cinéastes et artistes arabes lors d'un cocktail sous haute surveillance. Il s'est approché de ces derniers pour leur serrer la main et discuter avec eux. Il a signé, par ailleurs, l'affiche du festival. Une façon de déclarer officielle la naissance du Festival international du film arabe à Oran... Une réception où photographes et autres invités de marque se disputaient l'espace pour immortaliser ces moments... Méchoui et soirées mondaines C'est le directeur de la Télévision algérienne, Hamraoui Habib Chawki, qui a eu l'insigne honneur d'être à la tête du commissariat de ce festival. A l'aise dans les discours et les comportements mondains, HHC s'est montré, pour l'anecdote, très galant envers les comédiennes et autres starlettes de l'Egypte, du Liban et autres Syrie et Bahreïn. Un chapeau sur la tête, et baisant les mains de ces dames, il a montré toute son attention et son fair-play lors de cette manifestation. Celle-ci a été marquée, en outre, par la célébration de son anniversaire au fort de Santa Cruz, où un dîner copieux (composé, notamment, de méchoui et de couscous) a été servi à volonté aux convives, dans des khaïmas où l'on pouvait discuter allégrement avec Kadhem Essaher, Hussein Fahmi, Mohamed Adjaïmi, l'actrice égyptienne Nelly, ou encore Khaled, Hakim Dekkar, Yamina Chouikh, la comédienne Rym Takoucht (Vivantes), Nasma Chems (L'Envers du miroir), l'acteur égyptien Khaled Abou Naga (le héros de Louebat Houb, jeu d'amour), l'actrice égyptienne d'origine algérienne, Inès Meki, etc. D'autres ont choisi de se recueillir à l'intérieur du dôme de Sidi Abdelkader El Djillani et allumer des bougies comme cet Irakien, membre du jury des courts métrages Tariq Hashim, qui a laissé couler des larmes devant le tombeau de ses ancêtres...D'autres encore ont choisi la méditation comme source d'évasion, assis à même le sol. Un endroit féerique surplombant Oran à 400m d'altitude sur le mont du Murdjadjo et donnant un panorama féerique sur Mers El Kebir, le non moins stratégique port militaire d'Oran qui a été bombardé durant la Seconde Guerre mondiale. Actuellement, l'association Bel Horizon oeuvre pour la sauvegarde et la restauration du fort Santa Cruz. Il est dit aussi que les vues d'Oran sont souvent présentées sous la protection de Notre-Dame de Santa Cruz, patronne de la ville, et, chaque année à l'Ascension, les Oranais et leurs voisins (10.000 personnes) partent, escaladant les sentiers, pour un pèlerinage. Cette soirée féerique fut également animée par la troupe de musique andalouse, avec comme interprète, la chanteuse Manel (l'animatrice vedette de l'émission Hna Flahna). Cinéma et tourisme combinés, tout a été minutieusement organisé pour faire découvrir à nos festivaliers le charme de cette ville. Pour le confort de ses invités, HHC n'a rien laissé au hasard. Placé sous l'égide de «Alger, capitale de la culture arabe», le commissariat qui a dépensé, nous dit-on, plus de 50.000 dollars, n'a pas lésiné sur les moyens pour faire passer d'agréables vacances à ses invités, lesquels préféraient se prélasser, pour la plupart, devant la piscine de l'hôtel Sheraton que d'aller voir des films, arguant du fait qu'ils les ont déjà vus. Saison estivale oblige, ces soirées où l'on dînait chaque soir dans un lieu idyllique, nouveau, charriaient les senteurs marines du port d'Oran, bercés que nous étions par les mélodies enchanteresses de Kadhem Essaher qui a animé son concert le 31 juillet dernier au Théâtre de verdure et Khaled, à qui est revenu l'honneur de clôturer, en apothéose, cet événement dédié avant tout au 7e art. Frivolité et sensualité étaient aussi à l'ordre du jour... Pour la circonstance, certaines starlettes exhibaient plus d'une tenue par jour! On s'étaient crus à la Croisette de Beyrouth! Le festival qui a apporté son lot de médisances a laissé titrer pour certaine presse locale «people» que c'était un festival de «chtih ou rdih». Il est vrai que la soirée mondaine de la veille accaparait toutes les discussions, plus que les critiques de films...Il est un art que de savoir séparer le bon grain de l'ivraie, et de se faire une idée par soi-même. Arrivés avec un peu de retard à ce festival, il nous a fallu prendre le train en marche et faire notre propre analyse et observation. Première édition oblige, ce festival qui, a connu quelques désagréments, dus à l'arrivée du président de la République dans la ville et surtout au chamboulement des horaires de projections, a eu comme programme des films plus ou moins intéressants et des membres du jury choisis par HHC et son entourage immédiat -il l'a reconnu lui-même- dans la hâte. Aussi, des films assez surprenants dévoilent des images plutôt courageuses pour le monde arabe. Un cinéma ouvert qui a montré ses qualités et ses faiblesses, celui d'une génération de cinéastes qui imposent le respect par leur énergie et leur vison des choses. On citera le Syrien Nidhal Edebs qui signe, avec Sous le toit, son premier long métrage (2005) après plusieurs courts métrages, Jeu d'amour de Mohamed Ali (2006), ou encore Copier coller de Hala Khakil, What Wonderful life du Marocain Fouzi Besaïdi (2006), A Bahraïni tale de Bessam Douadi, L'Ombre du silence de Abdellah El Mouhaïssen, le premier film dans l'histoire de l'Arabie Saoudite, avec la participation remarquée de Sid-Ahmed Agoumi. Sur les 26 films arabes qui étaient en lice, c'est sans grande surprise Making of alias Kamikaze qui rafla, haut la main, l'Ahaggar d'or doté de 30.000 dollars. C'est que le film de Nouri Bouzid a tout pour capter l'attention, tant sur le plan du contenu que sur la forme. En effet, on s'attendait à cette consécration amplement méritée. La réputation du réalisateur Nouri Bouzid n'est plus à confirmer, ce film est venu à point nommé consolider sa riche et longue carrière. L'Ahaggar d'or pour la Tunisie Déjà récompensé d'un Tanit d'or du meilleur long métrage au JCC (Journées cinématographiques de Carthage) en 2006, ce merveilleux film, «un véritable hymne à la tolérance», selon le réalisateur, est à voir absolument. L'actrice Afaf Benmahmoud nous confiera: «Pour moi, le propos de ce film est très important et d'autant plus pour moi en tant que femme, même si le terrorisme n'est pas très présent en Tunisie. Cependant, il faut toujours être avant-gardiste. Les choses sont en train de changer effectivement et cela me fait peur, pour moi, pour mes enfants, etc. En tant que femme, il était essentiel pour moi de jouer dans un tel film qui est assez engagé. C'est un honneur et une fierté. Son message est clair: faites attention à vos jeunes». Making of est un film utile à plus d'un titre qui sert à prévenir les jeunes contre un certain discours religieux qui tend, par un processus vil, à les embobiner pour les transformer en véritables machines à tuer. Le titre s'explique par le fait que certaines scènes du film ont été tournées au moment où l'acteur principal (Lotfi El Ebdelli) se rebelle contre le réalisateur, à la suite des conflits sur l'idée du scénario et ce que le réalisateur lui fait faire et dire dans le film. Des moments de totale improvisation, qui font la richesse du long métrage.. On n'omettra pas de signaler toute l'audace rencontrée dans la diversité et la maturité technique et thématique que représentaient les courts métrages, entre comédies et drames humains. Ces films présentés au Théâtre régional d'Oran ont remporté un franc succès auprès des festivaliers, beaucoup plus que les longs métrages si l'on compte le nombre de spectateurs...Plusieurs invités de marque ont pris part à ce festival. On relèvera l'écrivain algérien, Yasmina Khadra, venu avec sa femme assister à cette «fête» cinématographique dans sa ville natale. L'auteur de L'Attentat et Les Sirènes de Baghdad s'est dit heureux que cette manifestation, première du genre soit organisée dans la ville où il est né. Et d'annoncer, prochainement, l'adaptation cinématographique de l'Attentat et les Sirènes de Baghdad. «Ce festival est une initiative, dira-t-il, qui j'espère, va contribuer à relancer la production cinématographique dans mon pays à partir d'Oran, cette ville qui comptait déjà, pendant l'époque coloniale, 135 salles de cinéma.» La présence de Yasmina Khadra à Oran coïncidait avec la projection, en compétition, de l'adaptation cinématographique de son oeuvre Morituri. Pour l'anecdote, Ahmed Rachedi était présent à Oran pour les besoins de tournage du film Ben Boulaïd avec Hassen Kachach, un comédien d'origine syrienne, installé en Algérie. Les scènes tournées, en partie, au niveau de la place Emir Abdelkader, dans un décor de l'époque coloniale, portaient sur la rencontre entre les leaders de la révolution avant son déclenchement, le 1er-Novembre 1954, notamment entre Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Abane Ramdane...C'est un sentiment de satisfaction qui émane de la presse arabe qui a largement couvert cet événement. En effet, selon nos confrères de la presse arabe, les organisateurs de l'Ahaggar d'or ont réussi à franchir le pas vers le professionnalisme, malgré les quelques insuffisances notables appelées à être palliées dans les prochaines éditions. La soirée de clôture qui fut mémorable a, quelque peu, effacé des esprits les quelques cafouillages qui ont imprégné ce festival. Enfin, un festival qui ne prendra réellement sa dimension internationale, selon Hussein Fahmi, que cinq années après. C'est à ce stade seulement qu'il sera astreint à projeter, dans le cadre des compétitions, des films exclusivement inédits. Ce qui n'a pas été le cas présentement. Car ce sont des films qui ont déjà 2 ou 3 ans d'existence, qui ont pris part à de nombreux festivals et qui ont concouru pour l'Ahaggar d'Or. Enfin, comme dirait HHC, bienvenue et bon vent à notre nouvelle «fleur!»