Réapparition : le métier d'écrivain public connaît actuellement un nouvel essor à Alger. Serait-ce lié à la montée de l'illettrisme ? Ou alors ces “lettrés d'une autre époque” sont en train de lancer un défi aux as du clavier à l'ère de l'internet ? Paradoxalement, c'est au moment où l'internet est devenue la bible de tout le monde que les écrivains publics sont de retour parmi nous à… la capitale. Ils sont là, à écouter, comprendre puis écrire. Héritiers d'une tradition immémoriale qui date des années 1970 et 80 (où une grande partie de la population était illettrée et où ces “excellentes plumes” étaient très sollicitées) par toutes les franges de la société, l'écrivain public réapparaît aujourd'hui. À la place des Martyrs par exemple, juste à côté du Centre des chèques postaux, ils sont une vingtaine d'écrivains publics à exercer ce métier. Ils y sont depuis quelques années. Mais qui consulte ces “lettrés” d'autrefois à l'ère de l'internet et d'imprimantes sophistiquées ? “Tout le monde”, affirme Kaci S., 59 ans, écrivain public à la place des Martyrs. “D'un jeune en quête d'emploi qui veut rédiger une demande, mais qui maîtrise mal langue (arabe ou française), au cadre pressé, au citoyen qui a une affaire en justice et qui ne peut pas s'offrir les services d'un avocat...”, souligne cet écrivain public qui nous montre une pile de feuilles sur lesquelles ses clients ont noté leur quête qu'elles dit être “sa commande de la journée...”. Mais selon lui, “dans la plupart des cas, mes clients savent lire et écrire, mais ils ne savent plus rédiger, ou bien ils n'en ont pas le temps...” Ahmed S., 53 ans, un retraité des P et T qui s'est converti depuis deux ans en écrivain public, nous montre sa petite machine à écrire fabriquée dans les années 1970 mais qui est toujours en bon état de marche et nous confie : “Les lettres administratives représentent les trois quarts de notre chiffre d'affaires.” Mais pour lui, établir un CV ou écrire une demande d'emploi pour un jeune chômeur (souvent instruit et même diplômé !) est un travail vraiment passionnant : “J'essaye de cerner l'identité de mon interlocuteur afin de réaliser un écrit le mieux adapté à la personne et à son destinataire.” Mais ces écrivains publics écrivent aussi des requêtes, études de dossiers administratifs, réclamations et même parfois des lettres… privées. “Ces lettres à caractère personnel sont surtout le fait de personnes sous le coup d'une émotion, et qui redoutent de ne pas trouver les mots (deuil, conflit de voisinage, séparation du couple et… déclaration d'amour). “Et en aucun cas nous nous impliquons dans l'histoire personnelle de celui qui veut nous voir. Notre aide se situe au niveau de l'écriture, rien de plus”, précise Ahmed R. “Les écrivains publics ont leur "propre code" de déontologie, qui leur impose le secret professionnel et leur interdit d'écrire des texte injurieux, diffamatoire ou menaçant”, rappelle cet écrivain, l'un des premiers à élire domicile à côté du Centre des chèques postaux de la place des Martyrs. Pour leur matériel de travail, il est plutôt élémentaire. Il s'agit souvent d'une simple machine à écrire posée sur une petite table pour les plus fortunés. Pour les autres, il s'agit d'une chaise sur laquelle ils posent leur “dactylo”. Leur gain et même s'ils ne veulent pas s'étaler sur ce détail, ils disent qu'ils gagnent bien leur vie… Quant aux tarifs pratiqués par ces “champions de la frappe”, ils disent qu'ils varient selon le volume de la lettre, sans plus de détails, concurrence exige... N. H.