À l'est d'Alger, au marché d'El-Hamiz, au marché de Dubaï (haï el-djorf à bab-ezzouar), les magasins regorgent de marchandises et les déversent littéralement sur la voie publique, sur deux ou trois mètres en avant, sur la largeur de la rue. Il n'y reste presque plus de place pour les vendeurs ni, comble de l'ironie, pour les clients. C'est à peine si les clients peuvent se faufiler entre les marchandises. Ahurissant, au marché de Dubaï, c'est pire ! Même le soleil a des difficultés pour placer quelques rayons. Une règle : l'opacité. Tout l'argent passe de main en main. Pas de chèque entre fournisseurs, clients et commerçants. “Cela gâche tout le plaisir du commerce”, s'écrie un transporteur face aux farfelus aux questions indiscrètes. Personne n'a rien demandé à tout ce monde-là : “à El-Hamiz”, au “marché de Dubaï”, dire cela, c'est indiquer des adresses exactes. Dedans, des rues transversales ou parallèles à la grande route, au terrain défoncé sans nom, la commune n'a pas pensé à les baptiser. Des magasins sur le même modèle, sauf la taille, sans numéro, sauf ceux apposés par les services du recensement statistique, et, pour certains d'entre eux, soigneusement effacés. Aux arrière-boutiques ou quelques soupentes, un facturier délivre pour des clients pointilleux non pas des factures régulières, mais quelques “bons pour” portant des mentions sommaires. Nulle mention de la Tva qui est empochée par le commerçant et sur laquelle il consent une réduction. Et encore moins un numéro de facture ou d'identification fiscale. Dans ces marchés, les prix sont si compétitifs… Sauf pour de rares cas, les magasins ne portent pas d'enseigne. Pas de raison sociale sur leur devanture ou aux frontons, pas d'enseigne, nulle plaque, pas de numéro de téléphone, ni mentions d'horaires d'ouverture. Oui, si l'on insiste, il y a de quoi se consoler sur un numéro de téléphone portable. Même les véhicules utilitaires en arrêt ou en stationnement aux abords portent le sceau, si l'on peut dire, de l'anonymat. Sauf pour les sociétés régulièrement établies et portant registre du commerce, à peine un nom et la mention commerçant. Pour les livraisons de marchandises, une loi bien commode, obligeant le gros tonnage à ne circuler qu'après 20 heures. Auparavant, les livraisons nocturnes étaient dues à des raisons évidentes de discrétion, aujourd'hui, “on est bien obligés de respecter la loi”, lance-t-on avec un rire malin. Au-dessus de tout cela, des bâtisses qui donnent l'air de maisons familiales. Parfois coquettes. Pour les besoins des affaires, ou peut-être pour y loger des travailleurs, des gardiens ou y abriter quelques innocentes parties, peu de familles. Aux abords, l'œil grand ouvert, des surveillants et gardiens assurent la quiétude de ces commerces et un système d'informations efficace pour repérer le moindre grincheux, surtout ceux porteurs de cartables, caméras ou appareils photo. Même si pour un oui ou pour un non, vous répondez au téléphone portable, personne n'oublie qu'il peut filmer ou prendre des photos. Et dans les conversations, une folle rumeur : en Algérie, il existe même un Etat, avec des lois, un Parlement, un ministre du commerce, un ministre des finances, une police, des wilayas et des communes. Qui se prennent au sérieux. M. Haïder