La sonnerie du téléphone résonnait de toutes ses forces dans l'appartement. Tirée des bras de Morphée, Fatima s'étira péniblement avant de sauter de son lit. Mais qui donc pouvait l'appeler à une heure aussi tardive ? Elle jeta furtivement un regard à la pendule du couloir. Il est 2h30 du matin. Allô,oui articula-t-elle en décrochant. Une voix timide et enfantine balbutia quelque chose sans se faire comprendre. Oui, allô ! Qui est à l'appareil ? insista Fatima. La voix se fait sifflante et haletante. Allô, moi c'est Karim…Aidez-moi, s'il vous plaît. Ma mère et mon père se disputent avec des couteaux dans la cuisine . J'ai formé le premier numéro qui m'est venu l'esprit…Aidez moi. Fatima crut d'abord à une plaisanterie de mauvais goût, mais cette voix d'enfant ne pouvait pas la leurrer. Le gosse paraissait réellement angoissé et seul. Elle se ravisa donc. Tu t'appelle Karim, c'est bien ça ? Ecoute moi Karim, il est tard, va te coucher et tes parents finiront par se réconcilier, va dormir . À l'autre bout du fil, la voix se fait plus insistante : Aidez moi, aidez moi vite, avant qu'il ne soit trop tard. Pourquoi n'appelles-tu pas la police Karim? La police…oh non ! j'ai peur. Aidez moi, je ne peux pas appeler ailleurs. Cette fois-ci, Fatima crut entendre une voix de femme qui hurlait. Le gosse maintenant sanglotait. Maman hurle, elle est sûrement blessée, Aidez-moi. Fatima sentit son sang se figer dans ses veines. - Dis moi, où habites -tu, Karim? Je vais venir tout de suite chez toi. En attendant, tu peux toujours faire appel à tes voisins. - Nous n'avons pas de voisins aux alentours et nous habitons une villa à "X" un peu à l'écart de la route. - Situe moi l'endroit. Je vais faire tout mon possible pour t'aider, Karim. Calme toi mon chéri, j'arrive. Fatima avait formulé cette dernière phrase sans se rendre compte que son mari Mohamed adossé à la porte du salon l'écoutait. - Avec qui parles-tu à cette heure ci ? Tu tombes bien Mohamed , dit Fatima, c'est un enfant qui a besoin d'aide . - Un enfant qui a besoin d'aide, hein! coupa Mohamed, un enfant à cette heure ,un enfant que tu appelles mon chéri. - Mohamed, je te jure que c'est vrai, ce n'est pas ce que tu penses. - Chienne, salope, et tu oses prononcer encore mon nom. Je vais t'apprendre de quel bois je me chauffe. Viens, je vais t'envoyer par la voie express en “colis rose” à ton amoureux. Malgré ses cris et ses supplications, Fatima fut soulevée comme une plume et balancée par dessus le balcon, à une hauteur de 3 mètres environ. Attirés par les cris, les voisins accoururent et quelqu'un appela une ambulance. Par bonheur, il y eut plus de peur que de mal, et Fatima s'en tira avec une fracture et quelques contusions. Cependant, juste après son transfert à l'hôpital, le téléphone se mit à sonner de plus belle. Cette fois, ce fut Mohamed qui décrocha, et une voix d'enfant balbutie à son oreille: Allô, pourquoi avez-vous raccroché Madame. J'avais confiance en vous et je pensais que réellement vous alliez m'aider . L'enfant pleurait à chaudes larmes. Mohamed se rendant compte de son erreur, se maudit et raccrocha vivement avant de courir à l'hôpital où sa femme avait été gardée en observation. Là, il reconnut ses torts et demanda pardon. Fatima lui pardonna pour lui éviter le scandale et la prison, mais en échange demanda le divorce. Chose que Mohamed, honteux de lui – même, fut obligé de lui accorder. Y. H.