Parmi les individus impliqués, figurent un Malien, un commissaire-priseur, deux militaires dont un membre des services de renseignement, un repenti, un ex-terroriste, quatre femmes, des cadres de l'administration et des spécialistes dans la falsification de documents. C'est l'une des plus grosses affaires de trafic d'armes entre le Maroc, le Mali et l'Algérie au profit de l'ex-GSPC qui été examinée ce week-end par la cour de justice de Boumerdès. Plus de 38 personnes sont impliquées dans ce trafic. Parmi les 35 individus arrêtés, figurent notamment un Malien, un commissaire-priseur, deux militaires dont un membre des services de renseignement, un repenti, un ex-terroriste, quatre femmes dont une vieille femme de 75 ans, des cadres de la daïra de Baraki, des spécialistes dans le trafic de documents administratifs. Plus de 60 avocats ont été mobilisés pour défendre la cause des prévenus durant ce procès reporté à trois reprises et qui a duré deux jours et une nuit sans interruption. Jamais une affaire de terrorisme n'a réuni autant d'accusés et autant d'avocats. Ce procès a levé le voile sur la connexion qui existe entre les groupes terroristes, les trafiquants d'armes, les trafiquants de véhicules ainsi que les contrebandiers de la cigarette, de l'ivoire et d'autres produits comme le mercure. À l'issue de ce procès, une peine de 17 ans de prison ferme a été prononcée à l'encontre d'El-Bakri, un Malien d'origine algérienne, principal accusé dans cette affaire de trafic d'armes du Maroc et du Mali, à destination des maquis du GSPC. Le propriétaire du camion utilisé pour le transport d'armes, Z. B., a écopé, quant à lui, de 8 ans de prison ferme alors que le commissaire-priseur qui se trouve au centre d'un vaste réseau de trafic de véhicules a écopé de 10 ans de prison ferme. Les deux militaires ont été condamnés à 4 ans fermes. Quinze autres accusés ont écopé de peines de prison ferme allant de 2 à 6 et ans, alors que la vieille femme de 75 ans a été condamnée à un an avec sursis. Les deux accusés en fuite ont été condamnés à la perpétuité par contumace. Cette affaire remonte au 11 octobre 2006, lorsque les services de sécurité organisent une embuscade aux environs de Berriane dans la wilaya de Ghardaïa et éliminent deux terroristes qui se trouvaient à bord d'un camion de marque Hyundai bourré d'armes, notamment 8 fusils de type Kalachnikov, 329 balles, 18 chargeurs et des explosifs. Les armes étaient destinées aux maquis de l'ex-GSPC basés au centre du pays. L'enquête menée par les services de sécurité aboutit à l'arrestation de plusieurs personnes dont El-Bakri, un trafiquant de cigarettes et de véhicules connu au sud du pays et dans certains pays du Sahel, ainsi que plusieurs autres personnes dont S. Moh Seghir de Cap Djinet, condamné déjà à 8 ans de prison pour avoir introduit du Maroc un pistolet de calibre 9 mm. Les investigations aboutissent au démantèlement d'une filière de trafic de véhicules de tous genres ainsi qu'au démantèlement du réseau dit de Baraki, considéré comme le plus grand réseau de trafic de cartes grises du pays. Un réseau autour duquel gravitaient un commissaire-priseur établi à Arzew, un chef de service des cartes grises de la daïra de Baraki, deux militaires dont un membre des services de renseignement exerçant à Baraki, un repenti originaire de Thénia et plusieurs autres personnes, la plupart ayant des antécédents judiciaires. Selon l'arrêt de renvoi, El-Bakri, en butte à des difficultés dans le trafic et le commerce des cigarettes, du mercure et autres produits, a décidé d'opter pour un “marché” plus juteux : le trafic d'armes. En septembre 2006, il rencontre un certain Boualem qui n'était autre que Sofiane El-Fassila, alors n°2 de l'ex-GSPC, avec lequel il conclut un accord pour la livraison de 20 fusils de type Kalachnikov et une grande quantité de munitions. Le prix d'une seule arme a été fixé à 15 millions de centimes alors que le prix des munitions a été fixé à 150 dinars l'unité. Un mois plus tard, ce sont 20 fusils de type Kalachnikov et 4 000 balles de munitions qui seront importés du Mali. L'argent reçu est échangé contre des euros et le seul chargement de Berriane est estimé à 1,5 million d'euros. Questionné par le juge, El-Bakri a nié les faits qui lui sont reprochés, mais a admis qu'il existe un trafic d'armes entre l'Algérie et le Mali. Se présentant comme “un simple maquignon”, El-Bakri a nié aussi avoir rencontré Sofiane El-Fassila. Le propriétaire du camion qui a servi au transport des armes, Z. B., a affirmé que son véhicule disposait de papiers réglementaires et qu'il ignorait qu'il a été utilisé par l'ex-GSPC pour acheminer des armes. Le commissaire-priseur qui se trouve au centre du scandale de trafic de cartes grises a nié avoir établi des centaines de fausses attestations d'adjudication ayant servi à la confection de fausses cartes grises. Le chef de service de la daïra de Baraki nie lui aussi toute implication dans l'établissement des cartes grises. La vieille dame de 75 ans a admis avoir donné 250 millions de centimes pour l'achat d'un camion d'Oran, mais elle dit ne pas savoir que cet argent était destiné au financement du terrorisme. À noter que les accusés étaient poursuivis pour les chefs d'accusation d'“adhésion à un groupe terroriste, trafic d'armes de guerre et d'explosifs et financement de groupes terroristes, non- dénonciation, apologie du crime, falsification de documents administratifs et blanchiment d'argent”. M. T.