“On retournera à Hassi Messaoud quoi qu'il advienne.” C'est par ces menaces, à peine voilées, que Rahmouna, une des victimes les plus médiatisées des événements d'El Haïcha, remet le long combat des suppliciées de Hassi-Messaoud sur le devant de la scène. “Ils nous ont oubliées, ils ont renié leurs promesses et ne veulent plus entendre parler de nous”, ajoutera cette quadragénaire, mère de trois enfants. Un peu plus de sept ans après le drame des quartiers de Bouamama et des 136-Logements, lorsque mus par un discours religieux de circonstance et une conspiration de souteneurs locaux qui auraient mal accepté une concurrence étrangère, selon d'autres lectures, une centaine d'individus ont pris d'assaut de nombreux domiciles occupés par des femmes travaillant dans la zone industrielle de Hassi- Messaoud. “Ces individus s'en sont pris aux occupantes, les agressant physiquement, les violant, saccageant et spoliant leurs biens (…)” Voilà en substance ce qu'on pouvait lire dans le communiqué du parquet général de Ouargla du 16 juillet 2001. Depuis, l'oubli semble même avoir effacé les traces de cette nuit de la mémoire nationale. Un peu plus de sept ans ont passé après le drame de haouch El-Haïcha, un bidonville à l'ombre des torchères de Hassi-Messaoud, Rahmouna, l'une des 39 victimes, officiellement recensées, continue encore de se battre, non contre ses fossoyeurs d'un soir mais face à l'implacabilité de la vie et des promesses non tenues. “On ne peut pas attendre plus longtemps”, estimant que le temps des promesses est révolu. “Ils auront notre mort sur la conscience !” affirmera-t-elle en avouant que l'aventure du retour a été déjà tentée par l'une des victimes d'El Haïcha, mais qui a dû s'enfuir de nouveau des murs de Hassi Messaoud malgré son statut d'anonyme. “Mon amie Fatiha, celle qui a été enterrée vivante la première fois, est retournée là-bas mais elle a été reconnue et agressée une deuxième fois. J'ai peur qu'il m'arrive la même chose”, admet-elle, des regrets dans la voix. Elle accusera, au passage, les associations féminines de les avoir laissées tomber. “Mis à part une association, toutes les autres nous ont tourné le dos quand on avait le plus besoin de leur aide.” Elle en garde une certaine amertume qu'elle cultive à l'adresse de certaines associations féminines “qui ont voulu nous instrumentaliser”, dira-t-elle. “Si je connaissais l'avenir, j'aurais disparu, au sortir de l'hôpital pour qu'on n'entende plus parler de moi et je ne suis pas la seule à penser de cette manière”, lâchera-t-elle, le regard dans le vide. Elle lancera également une pique contre Farouk Ksentini qui leur a promis, en 2004, un statut de victime de la tragédie nationale, “mais en vain”. Malgré toutes les menaces qui pèsent sur elle et ses sœurs d'infortune, Rahmouna se dit prête à courir le risque d'un éventuel retour à Hassi-Messaoud pour trouver du travail. “On nous a promis un local et un changement d'adresse, mais on n'a rien vu venir. On veut repartir à zéro, tout oublier et travailler.” SAïD OUSSAD