“La critique est un mal nécessaire” et un sujet qui alimente les débats et suscite les polémiques. Après des décennies de pratique et d'expérience, le théâtre algérien n'a ni griffe ni identité, encore moins des critiques chevronnés. Quel devenir pour le 4e art ? Tout le monde jette la pierre et donne sa langue au chat. L'établissement Arts et Culture s'est associé au Centre national de recherches anthropologiques sociales et culturelles (Crasc), pour abriter une journée d'étude autour de la critique théâtrale en Algérie. Animée par des spécialistes et des universitaires, notamment Ahmed Cheniki (initiateur de cette journée), Bouziane Benachour, Hadj Miliani, ou encore Jamila Ezzegai, cette journée tend à définir cette critique, relativement récente en Algérie puisque liée à la pratique. En effet, la critique et la pratique sont indissociables, et tenter de les traiter séparément aurait été un crime. Et le crime eut lieu mercredi dernier, puisque les intervenants ont traité de la critique par elle-même et pour elle-même. Le premier à se jeter à l'eau et à affronter le public a été Hadj Miliani. Dans sa communication intitulée “La critique, pour quoi faire ?” il a tenté de définir la critique par le biais de l'histoire, remontant ainsi au XVIIIe siècle, et au passage du jugement à l'explication d'une œuvre d'art quelle qu'elle soit. Pour lui, la critique est évolutive puisqu'elle a une étroite relation avec l'évolution de l'homme et des sociétés. “En fait, la presse a joué un rôle extrêmement important dans l'évolution de la critique. Elle s'est également développée grâce à l'apport des formalistes russes ainsi que l'apparition du théâtre populaire”, insiste Hadj Meliani. Le rôle de la presse a été très important, voire déterminant, mais cette époque est révolue avec l'apparition de la télévision. Le rapport que les hommes entretiennent avec l'image est complètement exceptionnel, de même qu'“on pense que passer à la télévision signifie qu'on est important. Actuellement, la critique média est la seule qui passe”, appuie-t-il. Plus encore, les médias font dans la promotion, et cette dernière est, malheureusement, la seule critique qu'on tolère de nos jours. Bien que journaliste lui-même (au quotidien El Watan) et bien trempé dans la chose culturelle, Bouziane Benachour a vidé tout son chargeur sur les journalistes, et ce, dans sa communication intitulée “Presse écrite et critique : autour d'une expérience.” Benachour a entamé sa réflexion par le fait que, de nos jours, “les écrits sur le théâtre sont plus informatifs que démonstratifs”, tout en citant l'exemple qui frise le cliché du journaliste qui couvre le matin un événement politique et, le soir, un fait culturel. Il a également déploré le manque de spécialisation dans les journaux, ainsi que les lignes éditoriales de certains d'entre eux, qui n'accordent aucune place à la culture et encore moins au théâtre. De son côté, Ahmed Cheniki s'est intéressé, dans sa communication, à la critique théâtrale en Algérie. Pour lui, “la presse a joué un rôle important dans le développement de l'art scénique, surtout au début du siècle dernier et même dans la période post-indépendance. Il y avait un rapport de curiosité”. L'apport de la presse est donc considérable pour le théâtre puisque les articles de presse représentent une mémoire à laquelle se réfère le chercheur dans son travail. Cheniki considère, par ailleurs, que “la critique universitaire n'a rien apporté, ni au théâtre ni à la littérature”. Un débat a ensuite été organisé, et l'assistance a eu droit à des leçons de morale et même à des crises existentielles sartriennes. Dans l'après-midi, une table ronde devait être animée par des journalistes et des praticiens du théâtre, notamment le journaliste Ameziane Ferhani, le journaliste et universitaire Chérif Ledra ou encore le metteur en scène Hebib Boukhelifa ; le tout orchestré par Ahmed Cheniki. Par ailleurs, on retiendra que la critique théâtrale n'a pas encore trouvé sa définition ni même son sens, que les journalistes sont les premiers sur lesquels on tire (encore et toujours), que les universitaires sont toujours décalés par rapport à ce qui se fait et ce qui se crée, et qu'on ne peut dissocier la critique de la pratique. Les journalistes sont les premiers interpellés, mais qu'en est-il de la pratique théâtrale en Algérie ? Lorsqu'on est entouré de toutes parts par la médiocrité, on ne peut qu'improviser et surtout faire avec ! À quand les vraies questions comme celle de la place qu'on accorde à l'art et aux artistes en Algérie ? Une méditation s'impose. Sara Kharfi