À peine installé dans ses fonctions en qualité de 44e président des Etats-Unis, Barack Obama met les bouchées doubles et surprend nombre d'observateurs en s'investissant fortement dans la politique étrangère. En assistant personnellement le 22 janvier au briefing du secrétariat d'Etat alors qu'il ne s'est pas rendu au Pentagone pour une activité similaire, le nouveau président américain délivre deux messages. Le premier est destiné à l'opinion internationale et signifie clairement que si la force militaire est nécessaire dans le règlement des conflits, elle ne suffit pas à elle seule et ne peut en aucun cas remplacer la diplomatie. Le second, plus politicien, indique qu'il n'a nullement l'intention de se dessaisir des dossiers internationaux au profit de sa secrétaire d'Etat ou de son vice-président, comme l'en ont soupçonné beaucoup d'analystes. Au cours de cette séance de travail où Hillary Clinton était le maître de cérémonie, non seulement les contours de la future diplomatie américaine ont été définis, mais deux décisions importantes ont été prises. Deux vétérans de la diplomatie américaine ont été appelés à la rescousse pour être désignés comme émissaires respectivement au Proche-Orient et dans la région AfghanistanPakistan. Ce faisant, la nouvelle Administration de la Maison-Blanche entend fixer ses priorités et le faire savoir. George Mitchell pour désamorcer la bombe proche-orientale C'est donc George Mitchell, 75 ans, qui est chargé du suivi de l'épineux dossier israélo-palestinien. Il cumule une expérience diplomatique considérable et est unanimement salué pour son rôle de médiation en Irlande du Nord, qui a été prépondérant dans l'aboutissement aux accords de novembre 1998. Le dossier israélo-palestinien ne lui est pas inconnu puisqu'il a déjà été envoyé dans la région par Bill Clinton, à la suite de quoi il a produit un rapport qui a fait grincer des dents. Son rapport, rendu public en 2001, recommandait notamment à Israël le gel des colonies en Cisjordanie et à l'Autorité palestinienne la répression du terrorisme. Par ailleurs, en déclarant alors qu'il considérait tout aussi légitimes l'attitude d'Israël et les revendications palestiniennes, il avait provoqué l'ire des conservateurs américains et des puissants lobbies pro-israéliens. Contrairement à son prédécesseur qui préconisait le dialogue direct entre les parties concernées, autant dire qui donnait carte blanche à Israël pour mener sa politique dans la région, Barack Obama et son Administration semblent vouloir mettre tout le poids de l'Amérique au service d'une solution dans ce conflit vieux de 60 ans. Il s'agirait de garantir la sécurité d'Israël, d'assurer un Etat fiable aux Palestiniens et de normaliser les relations israélo-arabes. Vaste programme qui, en dépit de toute la volonté du monde, prendra un temps considérable, comme semblait le suggérer George Mitchell lui-même dans sa courte allocution qui se voulait pourtant résolue et optimiste. Le fait que le président Obama ait réservé ses premiers coups de téléphone à l'étranger, respectivement à Mahmoud Abbas, Ehud Olmert, Hosni Moubarak et Abdallah II, est non seulement hautement symbolique, mais semble augurer d'une réelle volonté d'agir. Une chose est sûre : l'envoyé spécial de Washington a de sérieuses opportunités à exploiter dans l'immédiat pour déblayer le terrain diplomatique et préparer les conditions de futurs pourparlers et négociations. C'est d'autant plus vrai que ni Israël ni le mouvement Hamas ne semblent enclins à gêner la nouvelle Administration américaine qui se met en place. Enfin, détail non négligeable, au cours du briefing de jeudi, ni Obama ni aucun de ses collaborateurs n'ont usé du vocable “terroriste” en évoquant le mouvement du Hamas palestinien. Richard Holbrooke pour ausculter l'Afghanistan Pour sa part, Richard Holbrooke est nommé comme envoyé spécial dans la région AfghanistanPakistan et hérite, ainsi, d'un dossier tout aussi compliqué que celui de son collègue. Âgé de 67 ans, cet ancien ambassadeur américain aux Nations unies fut l'un des artisans des accords de Dayton, en 1995, qui mirent fin à la guerre en Bosnie. Depuis une année, la situation se dégrade en Afghanistan et la rébellion talibane multiplie les coups de boutoir contre les forces armées de l'Otan et contre les intérêts et les symboles du gouvernement local. Les activités des talibans se sont surtout accrues dans les zones tribales jouxtant la frontière avec le Pakistan. La faiblesse du pouvoir afghan et son incapacité à administrer convenablement le pays, les sympathies et les soutiens avérés dont bénéficient les rebelles talibans parmi les populations frontalières du Pakistan, la présence fortement soupçonnée de Ben Laden et de son état-major dans les montagnes afghanes, mais aussi les relations tendues entre les deux puissances nucléaires que sont l'Inde et le Pakistan victimes, elles aussi, d'attentats terroristes sanglants sont autant d'éléments qui contraindront Holbrooke à multiplier les allers et venues entre Kaboul, Islamabad et New Delhi, pour garantir un minimum de coopération entre les trois capitales dans la lutte engagée contre le terrorisme intégriste. La secrétaire d'Etat Hillary Clinton a d'ailleurs pris contact par téléphone avec les dirigeants des trois pays pour préparer le terrain à l'émissaire américain. Convaincu que l'Afghanistan est le centre névralgique d'où sont planifiés tous les projets terroristes d'Al-Qaïda, le nouveau locataire de la Maison-Blanche a promis de renforcer la présence militaire, notamment dans le sud du pays, en y acheminant un renfort de quelque 30 000 hommes qu'il retirera du terrain des opérations en Irak. Dans le même ordre d'idées, il compte mettre à contribution les partenaires de l'Otan et d'autres régions du monde, tout en assurant que les forces militaires déployées en Afghanistan jouiront des moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions. Il reconnaît néanmoins que la situation est “périlleuse” et qu'“il faudra beaucoup de temps pour faire des progrès”. Cinq jours seulement après son investiture historique, Obama est sur tous les fronts. En ordonnant la fermeture de la prison de Guantanamo ainsi que de tous les centres de détention de la CIA à l'étranger, il opère une rupture radicale avec son prédécesseur et entend repositionner son pays dans le cadre de la légalité et le respect des traités internationaux. Beaucoup d'observateurs ont fait preuve de scepticisme à son égard et concernant sa capacité et/ou sa volonté à faire évoluer positivement le rôle des Etats-Unis dans le monde. Pour l'heure, rien n'indique qu'ils ont raison. En tout cas, il serait injuste de lui faire prématurément un mauvais procès. M. A. Boumendil