Des personnes possédant un appartement ou une villa ailleurs se sont installées dans des camps, de crainte que leur locataire accède à un logement “dont il ne devrait pas être bénéficiaire”. L'après-séisme s'avère apparemment difficile pour l'administration. Et pour preuve, des membres de la cellule de crise de la wilaya de Boumerdès posent déjà “l'épineux problème” des propriétaires de logement, ceux-là mêmes qui “ont loué leur appartement à des particuliers devenus des sinistrés après le 21 mai dernier”. Selon eux, les sites d'hébergement aménagés pour les familles sinistrées accueillent actuellement les propriétaires aux côtés de leur locataire, les premiers mettant en avant leur “droit d'indemnisation” et les seconds leur “situation de sinistrés n'ayant pas où aller”. Ils estiment, par ailleurs, que les déclarations du ministre de l'Intérieur ne sont pas “explicites” à ce sujet, en déplorant dans le même temps “la précipitation” de plusieurs mairies qui, rappellent-ils, “ont délivré des décisions d'accès aux camps de toile à tout demandeur”. Ces arguments ne sont pas partagés par de nombreux propriétaires d'appartement, particulièrement ceux qui ont signé un bail avec des particuliers. Ces derniers mettent en avant “l'absence d'un Etat de droit” et leur crainte d'être privés de l'indemnisation de leurs biens. “Je fais la navette entre Alger et Boumerdès tous les jours, de peur d'être oubliée au moment du relogement”, confie une propriétaire de la cité des 1200- Logements, elle-même locataire à Alger, pour des “raisons personnelles”. Selon cette veuve, l'appartement de Boumerdès, qu'elle loue depuis quelques mois, devait être vendu pour l'achat d'un logement dans la capitale. “Mon défunt mari et moi avions souffert pour acheter l'appartement de Boumerdès et je ne vois pas pourquoi on ne respecterait pas la propriété dans ce pays ni mon droit d'acquérir un nouveau logement”, affirme-t-elle en précisant qu'elle a un fils en âge d'être marié et donc “dans le besoin d'avoir un toit”. Le cas de cette dame n'est pas unique. D'autres propriétaires, possédant un appartement ou une villa ailleurs, se sont installés dans des camps, de crainte que leur locataire accède à un logement “dont il ne devrait pas être bénéficiaire”. “Nous savons comment ça fonctionne en Algérie et si on ferme les yeux sur notre bien, l'Etat nous oubliera”, indique ce directeur d'une entreprise publique, à la fois propriétaire d'un appartement à la cité Ibn-Khaldoun et d'une villa nouvellement construite à Aïn Taya. Selon ce responsable, “c'est au propriétaire que l'Etat a affaire”. Quant au locataire, il fait partie, d'après lui, “des cas sociaux” dont le traitement devrait être différent. “Je ne vois pas pourquoi les autorités restent silencieuses sur ces différenciations, alors que l'Etat est interpellé sur ces questions de biens privés”, ajoute le directeur, avouant avoir installé sa femme et ses enfants dans un des sites d'hébergement de la ville de Boumerdès, après le démarrage de l'opération de recensement. Alors, comment l'Etat compte-t-il régler la problématique des propriétaires d'appartement ? Leur réservera-t-il le même traitement que celui réservé aux locataires ? Distinguera-t-il entre propriétaires sinistrés et propriétaires dont les locataires ont été touchés par le tremblement de terre ? Devra-t-il reloger tout ce beau monde ? C'est à toutes ces questions que sont confrontés à présent les décideurs. Et ce n'est donc pas sans raison que les éléments de la cellule de crise qualifient la situation de “complexe”, précisément dans la wilaya de Boumerdès. H. A.