“De son vivant, il a envie d'une datte et à sa mort, on a suspendu au-dessus de sa tombe une grappe.”Cet adage très significatif dans la région ouest reflète l'état d'esprit qui anime certains responsables ayant pouvoir de décision qui ne réalise la gravité de leurs gestes que tardivement et dans des circonstances douloureuses. De son vivant, notre confrère Kaddour Bousselham exerçait en qualité de chef de bureau à Mascara du journal Horizons et résidait dans la commune de Hacine distante de 20 km du chef-lieu, une distance qu'il parcourait quotidiennement dans les deux sens en empruntant les transports publics ou en auto-stop car il ne possédait pas de véhicule eu égard à sa situation sociale peu enviable. Dans ce contexte et, afin de s'acquitter librement de son double rôle, celui de père de famille et de journaliste, il s'est rapproché des autorités de wilaya afin de bénéficier d'un logement, mais pour toute réponse, il ne recevait que des promesses. Cette période a coïncidé avec 2 évènements qui ont marqué la commune de Hacine, le séisme et le terrorisme. En effet, le 18 août 1994, la région de Mascara a été ébranlée par un tremblement de terre d'une magnitude de 5,6 sur l'échelle de Richter et l'épicentre a été recensé dans la commune de Hacine. Cette catastrophe naturelle ayant fait 172 morts et 280 blessés et des dégâts très importants. Le logement où résidait Kaddour n'a pas été épargné et au même titre que les autres victimes, il a reçu une tente qu'il a implantée à l'intérieur du jardin public pour s'abriter avec sa famille contre les répliques qui ont suivi le séisme. La brigade de la gendarmerie a été transférée à Bouhanifia car les locaux menaçant de s'effondrer et un mois après le séisme les militaires qui avaient assuré l'ordre et la sécurité sont partis, laissant derrière eux un vide, dont ont profité les terroristes pour investir la localité et sévir à leur guise et en toute impunité. À cette époque, notre confrère avait reçu des lettres de menaces car au même titre que les autres journalistes, il était ciblé. À chacune de leurs rencontres, Kaddour suppliait le wali de lui octroyer un logement à Mascara susceptible de le mettre à l'abri lui et sa famille car désarmé qu'il était, il est devenu une proie facile. Du début septembre jusqu'à la nuit fatidique du 29 au 30 octobre, il n'a cessé de réclamer un abri car il occupait toujours la tente installée à l'intérieur du jardin public de Hacine, s'exposant aux risques en effectuant la navette ou en restant à la merci de ses ennemis. Et le pire est arrivé dans la nuit du 29 au 30 octobre quand les terroristes ont investi la commune. Ils se sont introduits dans la tente où se trouvait Bousselham et sa famille. Ils l'ont sommé de les suivre et devant sa résistance, ils l'ont emmené de force. Depuis personne ne l'a revu vivant. Sa disparition a été suivie des rumeurs les plus invraisemblables alors qu'en réalité, il a été exécuté au troisième jour de son enlèvement selon les aveux des terroristes capturés ou repentis. Et ce n'est qu'un mois après qu'un logement a été attribué à sa famille à Mascara. Certes, nul ne peut échapper à sa destinée mais s'il avait obtenu satisfaction avant, peut-être qu'il serait encore parmi nous. Ainsi, à titre posthume, Bousselham est honoré tous les 3 mai à l'occasion des festivités marquant la Journée mondiale de la liberté de la presse. A. B.