Hattab est entré en campagne. Et pas seulement par communiqué manuscrit. La vidéo, cela fait plus vrai, parce que plus facile à authentifier, et cela peut être diffusé par les télévisions de propagande islamiste. Il y a quelques mois, des avocats de terroristes réclamant la présence du chef déchu du GSPC se sont entendu répondre par le juge qu'il ne savait pas où se trouvait Hattab. Il n'osait pas dire que la loi ne l'autorisait pas à le convoquer parce que le chef terroriste a désormais le statut immunisant de “repenti”. La presse locale qui, pour l'essentiel, tient à prendre sa part dans la réussite de “la réconciliation nationale”, a relayé comme il se doit l'appel de plus du terroriste. Toute la déchéance politique et morale du pays tient dans un tel fait : un ancien “émir du GIA”, fondateur du GSPC, actuelle succursale d'Al-Qaïda en Algérie, et qui a fait des milliers de victimes, appelle ses frères tueurs “à la raison”. Et son appel de fauve chassé de la meute est répercuté avec le sérieux et la considération qu'on prête à une adjuration de sage ! Dans l'épisode Hattab, est reconstituée toute la démarche de la réconciliation nationale qui, par certains aspects, constitue une opération de sauvetage de terroristes. Harcelée par le GIA, l'AIS a pu, grâce à l'accord de 1997, se mettre hors de portée d'un frère ennemi bien plus sanguinaire. Après, il fallait poursuivre la lutte contre des terroristes soulagés d'une guerre intestine, ce qui rendait certainement la tâche bien plus ardue. De la même manière, la réconciliation a hérité d'un Hattab déposé par ses frères et qui n'a probablement plus que le loisir de se mettre à l'abri… du GSPC. La réconciliation nationale lui offre l'asile. On aurait pu, par souci d'efficacité, suggérer à Hattab de retourner convaincre Droukdel et sa meute à domicile. Ce serait probablement plus efficace que ses théâtrales lamentations médiatiques. Mais peut-être qu'aujourd'hui, son tour étant venu d'être… menacé, craint-il d'affronter le péril terroriste. La situation n'a pas l'air d'émouvoir beaucoup de monde. Mais peut-on, si sereinement, amplifier la voix d'un tueur qui a sévi pendant plus d'une décennie, détenant ainsi un des palmarès les plus sanglants de l'histoire du terrorisme islamique, et prétendre, à l'occasion, considérer le martyre des victimes de terrorisme ? Un terroriste, qui a l'aplomb criminel d'assassiner infatigablement pendant des années, peut naturellement avoir le culot de s'inviter à une campagne électorale prétendument démocratique. C'est la “logique” de la déraison barbare. Mais où s'arrête alors l'humanité de l'homme si les larmes de crocodile d'un tel personnage bénéficient du statut d'appels à la réconciliation ? La finalité politique peut justifier beaucoup de renoncements. La paix aussi. Mais il faut bien enregistrer que la “réconciliation nationale” nous impose de bien spectaculaires renversements de l'échelle des valeurs. Tout a un prix, en effet. Et dans cette interminable cascade de renoncements, l'inflation semble n'avoir plus de limites. M. H.