Le ministère de la Défense a réagi officiellement, hier, dans un communiqué, aux déclarations de Abassi Madani sur El-Djazira. L'institution militaire dément catégoriquement avoir reçu un “document-initiative de la part d'un responsable du FIS dissous” et nie avoir eu le moindre contact à ce propos. L'Armeé répond au chef de l'ex-FIS “Abassi ment !” Le ministère de la Défense a démenti officiellement hier, dans un communiqué, avoir reçu un “document-initiative” ou avoir eu le moindre contact avec le leader islamiste. Quelques heures auparavant, le FFS faisait le même type de déclaration dans la presse nationale. Lors de sa prestation télévisée de mercredi dernier sur le plateau de la chaîne qatarie, El-Djazira, le président du parti dissous, Abassi Madani, a annoncé avoir rendu destinataires plusieurs parties d'une initiative politique à même d'arrêter l'effusion de sang en Algérie. Abassi Madani a pris le soin de préciser l'identité des destinataires de son document, à savoir des acteurs influents sur la scène politique, des partis, le pouvoir et l'armée, ou du moins une aile de celle-ci. Bien plus, il a soutenu qu'il en a reçu une “réponse orale positive”. Depuis sa sortie tonitruante, le leader islamiste a essuyé au moins trois démentis. De la part de la grande muette d'abord. Après un premier démenti, fait sous le sceau de l'anonymat, le ministère de la Défense nationale (MDN) revient à la charge pour battre en brèche les assertions du chef de file des islamistes. Catégorique, le directeur de la communication et de l'orientation du MDN a indiqué à l'APS que “l'institution militaire n'a été destinataire d'aucune initiative de la part d'un responsable du FIS dissous, ni n'a eu de contacts à ce propos”. Le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed, un des avocats les plus intraitables du parti de Abassi Madani, en a fait de même. Une source du parti a confié au journal La Dépêche de Kabylie ne pas avoir reçu le document de Abassi Madani. Se pose alors une question : qui sont donc ces acteurs politiques influents auxquels Abassi Madani a envoyé son document ? Aux personnalités de la mouvance islamiste comme Abdellah Djaballah ou Taleb Ibrahimi ? Ces derniers ne se sont toutefois pas encore prononcés sur la question. Pour ce qui est du premier, bien que son parti ait infirmé avoir eu le document de cette fameuse initiative, il n'est pas dit qu'il ne l'ait pas reçu personnellement. L'autre acteur de taille, qui n'a pas encore rompu le silence, c'est le président de la République. Lorsque Abassi Madani a parlé du pouvoir qui aurait reçu son document, l'insinuation ne souffre aucune ambiguïté : il s'agit de Bouteflika. Logiquement, en sa qualité de Président d'abord et de chantre de la réconciliation nationale ensuite, ce dernier ne peut pas ne pas recevoir un tel document. Lui qui n'a pas hésité à laver les terroristes islamistes de leurs crimes en leur accordant la grâce amnistiante, ne peut qu'être agréé par la proposition de Abassi Madani. En outre, ce dernier n'a pu quitter le territoire national qu'avec la bénédiction de son “frère” Bouteflika. C'est ce dernier qui lui a délivré son passeport, par le truchement de Farouk Ksentini, pour se rendre à l'étranger “pour des soins”. Reste à savoir quelle réponse réservera le président Bouteflika à une initiative politique de sortie de crise, rejetée par l'institution militaire et dont l'auteur, Abassi Madani, est interdit d'activité politique. Arab Chih Le cas Madani La mauvaise carte de Bouteflika À bien lire et relire le communiqué du MDN diffusé, hier, sur le fil de l'APS, nous sommes obligés de constater au moins une chose : il existe de graves divergences entre le ministère de la Défense nationale et la présidence. Objet de la discorde : la gestion de la donne intégriste. Lorsque Bouteflika courtise les islamistes, les militaires lui font signifier tout le contraire. Et pour illustrer ce point de discorde, le cas abassi Madani. Voilà un homme jugé pour atteinte à la sécurité de l'Etat. Voilà un homme qui, sorti de prison, est déchu de ses droits civiques. Et cet homme, abassi Madani, en vertu des dispositions des lois algériennes est interdit non seulement de déclarations publiques, mais tout bonnement interdit de quitter le territoire national. Il fallait, en la circonstance, en rester là. Il fallait tout juste faire appliquer la loi : Abassi Madani ne peut communiquer, il ne peut pas diffuser ou faire diffuser ses idées et ses projets intégristes. Bouteflika en a décidé autrement. Parce qu'il veut absolument faire aboutir son projet de réconciliation nationale ; parce qu'il veut absolument se faire réélire, parce qu'il veut absolument prendre sa revanche sur les généraux, ceux-là même qui lui ont pavé la route pour la présidence, Bouteflika tente de faire jouer, aujourd'hui, Abassi Madani comme une carte maîtresse dans son dispositif. Sinon, pourquoi lui délivrer un visa de sortie à l'étranger ? Sinon pourquoi tromper l'opinion publique sur l'état de santé du chef des terroristes qu'est Abassi Madani ? Bouteflika a délivré un sauf-conduit à Abassi Madani précisément parce qu'il veut l'utiliser comme un joker pour abattre l'armée. C'est là où se situe le grand schisme : Bouteflika utilise Abassi, et au-delà, tous les sous-traitants de la pègre intégriste pour perpétuer son règne. Les militaires n'en veulent pas. Est-ce à dire que ces derniers sont exempts de reproches ? rien n'est moins sûr. Mais au moins cet épisode de Abassi faiseur de bonnes blagues sur l'écran d'Al-Djazira aura servi à quelque chose. Farid Alilat