Les services de l'immigration britanniques ne considèrent plus la menace terroriste en Algérie comme un argument valable à la délivrance du statut de réfugiés à des couples qui, très souvent, avaient fui le pays, où leur vie était en danger. Les expulsions des familles algériennes en situation irrégulière au Royaume-Uni ne constituent plus des cas isolés. Depuis quelques mois, leur cadence s'est accélérée, illustrant le durcissement de la politique migratoire britannique. Cette semaine, c'était au tour d'une famille de Brighton — sud de l'Angleterre — d'être conduite dans un centre de rétention des immigrés clandestins, en attendant son refoulement vers l'Algérie. Assia et Athmane Souhalia résident à Brighton depuis 2002 où ils ont eu une petite fille de deux ans. Assia a fui l'Algérie où ses deux frères policiers ont été tués par les groupes terroristes. En 2007, sa sœur restée au pays a été victime d'un attentat à la bombe. Craignant pour sa vie et celle de sa petite famille, Assia a introduit une demande d'asile en Grande-Bretagne. Mais sa requête a été rejetée. Mercredi dernier, des agents des services de l'immigration (Border Agency) ont fait irruption dans le domicile du couple et l'a interpellé. Aussitôt, un comité s'est constitué pour soutenir la famille, demandant au Home Office de surseoir sa décision. En décembre dernier à Wrexham, dans le pays de Galles, la famille Boumerdassi a connu le même sort. Farid, son épouse Samia et leurs trois enfants, Mohamed (11 ans), Myriam (10 ans) et Mehdi (6 ans) ont été embarqués de force et séparément dans un avion à destination d'Alger, et ce, après un bref séjour dans un centre de rétention, près de l'aéroport de Gatwick. Leur refoulement est intervenu suite à l'épuisement de l'ensemble des recours qu'ils ont transmis à la justice britannique pour obtenir le statut de réfugiés. La demande d'asile avait été introduite au nom de l'épouse qui a invoqué les dangers pesant sur elle et sur sa famille, compte tenu d'une profession dangereuse qu'elle exerçait en Algérie. Comme à Brighton, les habitants de Wrexham se sont empressés d'apporter leur assistance aux Boumerdassi, les décrivant comme de bons voisins et des individus complètement intégrés à la communauté locale où ils accomplissaient de nombreuses tâches bénévoles. Parmi les messages de solidarité postés sur Internet, beaucoup trahissaient l'indignation des habitants à l'égard de la conduite des services de l'immigration qui, selon eux, préfèrent expulser des gens honnêtes et offrir le refuge à de dangereux terroristes. Intransigeants, les responsables du ministère de l'Intérieur ont affirmé aux contestataires qu'ils n'ont fait qu'appliquer la loi. Selon eux, les Boumerdassi ne couraient plus aucun risque dans leur pays. Un commentaire similaire a été fait sur une troisième famille algérienne de Plymouth (sud de l'Angleterre) qui a été expulsée à la fin de l'année 2008. Le 16 décembre précisément, Leïla et Fouzi Douik ainsi que leurs quatre enfants, dont un bébé de 18 mois, étaient sous le choc en voyant les agents des services de l'immigration envahir leur maison, après avoir défoncé la porte d'entrée. Le raid rapporté par la presse locale a scandalisé l'opinion. Les Douik avaient quitté l'Algérie, plus exactement Blida, il y a 7 ans, dans des circonstances dramatiques. Leur fils aîné Mohamed, alors âgé de six ans, a perdu l'usage d'un œil, à la suite d'une balle perdue qui avait été tirée dans sa direction par des terroristes, au cours d'un accrochage avec les services de sécurité. Craignant des représailles après que leur enfant eut été appelé à identifier les coupables devant un tribunal, Leïla et Fouzi ont décidé de se réfugier en Grande-Bretagne. À Plymouth, les enseignants et les camarades de classe de Mohamed ont signé une pétition, priant les autorités d'annuler la procédure d'expulsion. Un comité local pour l'égalité et contre le racisme s'est également mobilisé en leur faveur. En vain. Contrairement aux années 90, le gouvernement britannique ne considère plus la menace terroriste en Algérie comme un critère ouvrant droit à l'asile. Cependant, il est notable de constater que cette politique ne s'applique pas à tous de la même manière. Hakim Douik a réussi par exemple à obtenir le droit de rester au Royaume-Uni, en s'appuyant sur les mêmes arguments que son frère Fouzi. En l'absence de motivations d'expulsion valables, les services de l'immigration laissent des gens croupir dans les centres de rétention pendant des années. Une récente enquête réalisée par une organisation de soutien aux détenus révèle que des centaines de candidats à l'expulsion sont jetés dans ces établissements où certains passent jusqu'à huit ans, sans que personne ne s'inquiète de leur sort. Les ressortissants de quatre pays sont les plus exposés à ces pratiques. Il s'agit de Somaliens, d'Irakiens, d'Iraniens et… d'Algériens. Il est à rappeler que le nombre des compatriotes refoulés de Grande-Bretagne a atteint des records ces dernières années. On compte approximativement une expulsion toutes les 48 heures. S. L.-K.