Le thème du 25e numéro de Naqd (critique) est la corruption et la prédation : un thème ô combien épineux surtout dans les Etats dits émergents ou décolonisés. À travers articles et études liés au fléau de la corruption, la revue propose un coup de projecteur sur ce mal qui terrasse nos sociétés. La revue bilingue (arabe et français) d'étude et de critique sociale, Naqd, dirigée par l'historien Daho Djerbal, et qui traite des problèmes des sociétés du Sud, s'intéresse dans son 25e numéro à la corruption et la prédation. Naqd s'étale sur 336 pages et s'articule autour de 12 articles, d'une enquête, d'un note de lecture et d'un résumé, le tout en rapport avec la corruption : ce fléau, ce mal “nécessaire” ou pas, ce drame qui s'abat et s'enracine dans les Etats du Sud, entre autres en Algérie, n'est pas un produit propre à ces Etats, bien que ses populations et son système en souffrent pitoyablement. Dans sa collaboration intitulée “Les défis de la corruption dans les pays en transition”, la chercheuse Anstassiya Zagaïnova explique que la corruption est un phénomène universel, en même temps, elle explique la relation entre l'acteur (l'être social) et son environnement socioéconomique et politique. Elle présente également des exemples qui pourraient servir de leçons aux pays dits émergents. Selon elle, pour bannir la corruption, il faut se débarrasser de la bureaucratie ambiante et persistante, tout en travaillant sur la construction d'un Etat de droit avec respect des valeurs et des structures. Par sa contribution, le chercheur marocain, Azeddine Akesbi, tente de comprendre la relation entre le concept de la corruption et celui de la rente. Il affirme et démontre tout au long de son article que la corruption est instrumentalisée dans certains pays tant par le politique que par l'économie. Pour consolider son postulat, il présente des exemples concrets, notamment au Maroc. Son compatriote Abdel Aziz Nouyadi, rebondit dans le même sens, en prenant le même objet d'étude et la même sphère géographique. Son propos démarre des mesures anti-corruption prises par le Maroc et son adhésion à la Convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption. Nouyadi salue ces initiatives positives, mais ces mesures s'avèrent vaines car sans effets palpables encore. Le responsable du projet de défense à Transparency International, Mark Pyman, s'intéresse à “la corruption dans le secteur de la défense”. Selon lui, ce secteur sensible et déterminant est le moins réformé et le plus générateur de corruption. En fait, ce secteur subit une des conséquences que partagent et se partagent la guerre froide et la colonisation, à savoir le secret. Ce secret cause du tord au secteur lui-même puisque le décrédibilisant et lui faisant perdre de son envergure ; et à la nation en général. Le chercheur algérien, Rachid Sidi Boumediene, s'attaque à une des formes de la prédation : l'urbanisme. Il entame sa réflexion-enquête par la coutume – si on peut la nommer ainsi – très répandues et partagées par les sociétés maghrébines et africaines, et qui consiste en l'échange de biens et de services. Les relations professionnelles, surtout dans le secteur de l'urbanisme, n'échappent pas à cette tradition héritée des ancêtres, ce qui normalise l'anormal et qui valide une pratique peu catholique.Le journaliste Mahmoud Belhimer s'est intéressé à la presse algérienne, en analysant (en arabe) sa relation avec le système démocratique. Il s'interroge également sur les outils que possède la presse nationale pour lutter contre la corruption, tout en soulignant son impact et son rôle déterminant. De son côté, la psychologue clinicienne et psychanalyste, Karima Lazali a contribué à ce 25e numéro de Naqd, par une note de lecture, de l'essai, “Pourquoi le monde arabe n'est pas libre ?” du psychanalyste Moustapha Sefouan. Dans cet essai de 170 pages, Moustapha Sefouan évoque les principaux axes sur lesquels s'appuie le pouvoir politique dans le monde arabe pour se fabriquer une légitimité : la religion et la langue arabe classique. Ce qui engendre et induit des phénomènes de censure, d'autocensure et de corruption. À défaut de mener une révolution, le peuple s'oriente vers le terrorisme… Le dernier numéro de la revue Naqd est donc un petit objet de collection qu'il faut absolument acquérir. Par ailleurs, Naqd est avant tout destinée aux initiés, aux spécialistes et chercheurs tant les contributions sont pointues et revêtent un caractère encyclopédique. Sara Kharfi Naqd, revue d'études et de critique sociale, 25e numéro automne/hiver, 336 pages, 400 DA.