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Entre misère et manque de transport
Les écoliers des basses zones rurales à El-Affroun
Publié dans Liberté le 25 - 02 - 2009

Des centaines d'enfants et d'adolescents, écoliers, collégiens, lycéens et étudiants habitant dans la basse zone de la commune d'El-Affroun pâtissent d'un manque de transport pénalisant.
Trois bus hors service (du fait de leur vétusté) étant à l'arrêt depuis deux mois, seuls quatre, parfois cinq fourgons Karzan assurent la navette jusqu'à la limite entre Attatba
et El Affroun.
Chaque matin, levée aux aurores et dehors, dès 6h, cette jeune population des anciennes fermes Tissot, Chevallier, Ambroise, Averseng (qui ont vu naître d'autres agglomérations dans la périphérie, notamment, durant la décennie noire), ainsi que des zones Moha El-Miloud, Trig Ellouz, Kharrouba et autres EAC..., jusqu'au village socialiste Ahloula-Sahilia de Qandori, Attatba…, est aux abois. Il faut savoir que, dans cette région – naguère marécageuse – très humide, la température avoisine 0 degré à cette heure limite entre le jour et la nuit, avec gelées et frimas, “un brouillard à couper au couteau”. Insuffisamment vêtus, ces enfants transis de froid attendent désespérément, souvent sous la pluie (les abris étant inexistants), ces deux derniers mois, le transport salutaire qui les mènera à El-Affroun, lieu de l'établissement scolaire qu'ils fréquentent (écoles, collèges, lycées) ou de la première halte pour l'université de Blida. Quand ils arrivent, bien souvent trempés, devant la structure éducative, la porte est fermée. La peur au ventre, ils attendront, dehors, qu'elle s'ouvre pour l'entrée de 9h. Ils seront vertement réprimandés et, si les retards se répètent, ils seront exclus jusqu'à nouvel ordre.
Récemment, dans un CEM d'El-Affroun, une veuve, femme de ménage au quotidien difficile, s'est vue obligée de quitter son travail pour plaider la cause de son fils dont l'entrée à l'établissement lui avait été refusée. Le directeur, impitoyable, lui a signifié que ce serait ainsi tout le temps que son fils n'arriverait pas à l'heure, sachant que d'autres enfants venant des fermes de la plaine étaient ponctuels. Ces derniers, en réalité, sont accompagnés en voiture par leurs parents. Ils sont peu nombreux. Les autres, pour la plupart mal vêtus, insuffisamment couverts pour le froid glacial qu'ils affrontent chaque matin, pataugeant dans la boue, courent “comme des chiens, les pauvres” (selon une mère apitoyée par le sort de ces enfants) vers le premier fourgon qui arrive à leur hauteur, en happe deux ou trois et redémarre. Ils se bousculent, se battent pour accéder au véhicule qui s'arrête, perdent leurs affaires, sont piétinés par les plus grands… puis finissent par battre en retraite, en attendant le combat pour le transport suivant qui peut arriver plein et ne pas marquer d'arrêt, à leur niveau. Toute la journée, ils garderont, sur eux, leurs vêtements humides. Et la plupart d'entre eux ne connaîtront pas le soulagement que procure un repas chaud à midi, faute de cantine. Il faut savoir que, si en six ou sept heures ils n'auront rien mangé, certains ont dû se contenter, à leur réveil, d'une tasse de marc de café bouilli (oui !) et d'un morceau de pain sec pour tout petit-déjeuner. Des misérables ! Un terme qu'il ne faut pas craindre d'employer. Dans les trois paliers de l'enseignement, les cas d'élèves qui ont fait, à 11h, une syncope due à une hypoglycémie, ne sont pas rares. Au retour, ceux qui n'ont pas les 10 DA du transport sont contraints de parcourir la distance à pied (entre deux et six kilomètres, pour les cas qui nous ont été signalés), ou osent l'auto-stop. Beaucoup d'entre eux vivent dans des conditions difficiles : une case en blocs de parpaing recouverte d'une plaque d'éternit, pour chambre à coucher. Et pour couronner le tout, la région n'est pas alimentée en gaz naturel. Le gaz butane, à 230 DA la bonbonne, qu'il faut parfois aller chercher à El-Affroun-ville, soit jusqu'à 10 km, constitue une lourde charge pour les familles nombreuses. “Entre l'eau à chauffer pour la douche de l'un et de l'autre, la cuisson de la galette (plusieurs pour la famille), et le reste, la bouteille de gaz dure quatre jours, au mieux, cinq, en hiver”, se plaint un père de famille gardien dans une institution étatique. Nombreuses sont les familles, dans cette zone humide et froide qui ne peuvent s'offrir le luxe de se chauffer au gaz butane. La froidure hivernale et les nuits où le sommeil n'arrive pas parce qu'on claque des dents, elles en savent quelque chose.
Dans ces conditions, quel rendement, quels résultats peut-on attendre… ou exiger de ces enfants des zones agricoles ?
Deux ou trois bus Solidarité faciliteraient, déjà, bien des choses… pour peu que l'on veuille se pencher sur le sort de ces petits.
F. SEMAN


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