Les hôpitaux du pays ont connu ces derniers jours une pénurie de gaz azote utilisé pour anesthésier les opérés. La situation est en train de devenir normale car les hôpitaux ont commencé à réceptionner l'azote, et ce, depuis le début de la semaine. Les services de chirurgie reprennent petit à petit leurs activités. Des malades de tout le pays, programmés pour subir des opérations en ce début d'année 2009, ont eu la désagréable surprise de voir leurs interventions reportées à des dates ultérieures. Devant la pénurie d'azote, un gaz indispensable pour l'anesthésie, les responsables des hôpitaux ont décidé de suspendre les interventions chirurgicales à froid (programmées) et de garder les quelques obus d'azote encore disponibles pour les éventuelles urgences. “Je devais subir une intervention chirurgicale, mais le jour où je devais entrer à l'hôpital, mon médecin m'a informé que l'opération a été reportée à une date ultérieure. D'autres malades m'ont appris que ce report est dû à la pénurie d'azote dans les services de chirurgie. J'aurais aimé être opéré maintenant car je souffre”, dit un malade. Les chirurgiens exerçant dans les établissements de santé publique confirment cette situation vécue dans tous les hôpitaux du pays. Les mêmes praticiens reconnaissent avoir été obligés de reporter toutes les interventions à froid, mais tiennent à préciser que toutes les urgences ont été assurées. Selon des pharmaciens du secteur public, les pénuries sont légion à chaque début d'année. Ils estiment que les prévisions en matière de médicaments ne reflètent pas les besoins réels des structures de la santé. L'inexistence de chiffres fiables est due au fait que les services d'épidémiologie, dépourvus de moyens ne peuvent pas remplir leur mission : recenser tous les actes médicaux réalisés chaque année dans les hôpitaux algériens. Pour les experts algériens, l'équation mathématique (10% de plus chaque année) ne reflète pas toujours les vrais besoins en matière de médicaments ou en demande de soins. L'absence de chiffres fiables fausse toutes les données et annihile les efforts déployés pour améliorer la qualité de la prise en charge des malades. Toute politique se base sur des données fiables ; or, en Algérie, la réalité épidémiologique reste un mystère et les décisions se prennent au “pifomètre”. Les chirurgiens que nous avons contactés invitent leurs responsables de tutelle à tout mettre en œuvre pour permettre aux services d'épidémiologie de remplir leur mission en les dotant de moyens nécessaires pour la réussite d'une telle entreprise. “Les pénuries sont cycliques. Les prévisions sont toujours fausses et les quantités de produits commandées sont épuisées avant la fin de l'exercice car les hôpitaux prennent beaucoup plus de patients que les estimations des décideurs”, affirme un chirurgien. Le même interlocuteur rappelle que les prises en charge pour soins à l'étranger sont supprimées. Pourtant, dit-il, “les décideurs continuent à faire des prévisions en oubliant que tous les cancéreux, les malades du cœur, les brûlés, etc., sont désormais soignés en Algérie. Il s'agit de pathologies nécessitant une prise en charge multidisciplinaire. Pour soigner ces malades, il faut plus de médicaments et de consommables de bloc opératoire”. Les praticiens espèrent que ces pénuries serviront de leçons aux décideurs appelés à prendre en considération les mutations épidémiologiques en Algérie. Si cette fois-ci, les chirurgiens ont su se “débrouiller” en reportant les interventions à froid, il est tout de même à craindre que la pénurie ne touche un jour un produit sensible dont l'usage entre dans le cadre de l'urgence. Djafar Amrane