“Nous avons refusé de nous agenouiller devant le colonialisme, c'est pour cela qu'on a ciblé le Soudan”, clame Omar Hassan el-Bachir, dans des meetings qu'il tient l'un après l'autre. Le président chauffe ses partisans, qui ponctuent chacune de ses harangues de slogans comme “nous sommes prêts à protéger la religion” et "à bas les USA”. Les Etats-Unis ont été les premiers dans le monde occidental à saluer la décision de la Cour internationale instaurée en 2002. Et le paradoxe est que Washington n'a pas ratifié la création de cette cour et que les Américains sont loin de le faire. La crainte du président soudanais au pouvoir depuis plus de vingt ans est qu'une opposition se déclare et enfourche le cheval de la CPI. C'est d'ailleurs le calcul de cette dernière : sa décision susciterait des remous au Soudan, un pays miné par des conflits et tensions internes et d'ordre communautaire et religieux. La cour, qui siège à La Haye, souhaite voir comparaître el-Bachir pour “crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans le conflit au Darfour”. Cette mesure de la CPI continue, cependant, de diviser la communauté internationale. Après des Etats arabes qui ont appelé à la suspension des poursuites contre leur pair et la décision de l'Union africaine d'envoyer une délégation de haut niveau auprès du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine, l'un des principaux partenaires commerciaux du Soudan, a rejeté l'arrêt du procureur de la cour, lui contestant toute prérogative à l'encontre du président en exercice, voire contre des pays souverains. Pékin a exhorté le Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle est l'un des cinq membres permanents, à suspendre la procédure. Le Conseil a le pouvoir de bloquer les procédures de la CPI pour une durée allant jusqu'à un an. Il paraît, cependant, peu probable que les Etats-Unis, la France ou la Grande-Bretagne, qui ont également droit de veto au Conseil, laissent adopter une résolution en ce sens. Le président soudanais qui, désormais, ne pourra plus voyager, hormis dans quelques rares pays amis, encore qu'il doit faire attention aux pressions internationales, est passé à la contre-offensive. Il a expulsé les organisations humanitaires étrangères, une dizaine, accusées d'avoir fourni le dossier à son inculpation par la cour. Le Darfour, région désertique dans l'ouest du Soudan, est le théâtre de la plus grande opération humanitaire en cours sous l'égide des Nations unies et d'organisations non gouvernementales. Le président soudanais a promis devant les membres de son gouvernement et les principaux responsables politiques soudanais d'agir comme “un gouvernement responsable”, de faire respecter toutes les règles et les lois ! Des tours de vis sont attendus dans un pays qui n'était pas un havre de paix. La chasse aux sorcières va commencer. Un porte-parole des habitants de 158 camps de réfugiés dans la province sécessionniste du Darfour, a déclaré que ces derniers étaient très heureux de la décision de la CPI, mais qu'ils n'osaient le montrer de peur de représailles. Selon des responsables onusiens, les expulsions d'ONG vont avoir des conséquences désastreuses pour les Darfouris. D. Bouatta