Le nouveau plan de Bouteflika tombe à pic à l'heure où les conséquences de la récession commencent à se faire sentir partout dans le monde. La facture alimentaire n'a pas été réduite de façon appréciable. Les importations sont passées de 2,8 milliards de dollars environ en 2000 à 4,8 milliards de dollars en 2007, l'industrie agroalimentaire représentant 35% de la valeur ajoutée de l'industrie et 55% de son produit. Au-delà de l'effacement de la totalité de la dette des agriculteurs et des éleveurs — 41 milliards de dinars —, il y a lieu de relever le caractère ambitieux d'un nouveau plan de développement de l'agriculture, qui nécessitera pas moins de 3 milliards de dollars par année pour son financement, annoncé en même temps par le président de la République à Biskra, à l'occasion de la rencontre nationale sur “Le renouveau de l'économie agricole et le renouveau rural”. L'effacement de la dette des agriculteurs et des éleveurs apparaît, dans le discours programme de Bouteflika, comme un élément parmi d'autres, de loin plus conséquent pour l'avenir du pays, dans un canevas ciblé autour de points-clés et d'une actualité cruciale. Cette nouvelle volonté de prise en charge du secteur agricole, exprimée au plus haut niveau de l'Etat, nonobstant l'effet d'annonce à la veille d'une échéance électorale majeure, pourrait projeter l'économie nationale très loin dans la voie de l'autosuffisance alimentaire. C'est cela l'essentiel. Car l'effort financier attendu de l'Etat dans les toutes prochaines années est colossal. Et grâce à cela, la deuxième source de production de biens dans le pays, constituée par l'agriculture après les hydrocarbures, devrait prendre enfin sa véritable fonction de vecteur de croissance longtemps souhaité. Trois milliards de dollars ou plus de 200 milliards de dinars par an pour l'agriculture, en tout, c'est largement plus que l'autre dotation inscrite au titre du fonds des investissements, par exemple, dont le montant global, rappelons-le, est de 150 milliards de dinars, également annoncés par le chef de l'Etat, le 24 février, à Arzew et destinés à développer la production, les exportations hors hydrocarbures et la création d'emplois. Deux entraves de taille, cruciales et urgentes Aussi nécessaire qu'urgent, cet imposant plan de relance agricole ressemble un peu à un grand coup de boutoir, d'abord. Le fameux Plan national de développement agricole (PNDA) n'a pas donné tous les effets attendus pour de multiples raisons, dont la plus importante aura été qu'il n'a sans doute pas été correctement pris en charge au niveau du terrain d'exécution. Deux entraves de taille, cruciales et urgentes continuent à freiner l'élan agricole : la spéculation effrénée sur le cours des fruits et légumes malgré cette augmentation sensible de la production, entraînant un déséquilibre croissant entre l'offre et la demande, d'une part, et un exode rural considérable, d'autre part, avec entre autres conséquences l'abandon de la terre au profit du travail de la ville. En 1958, la superficie moyenne par exploitation était de 13 ha. Actuellement, elle est de 8 ha. En l'espace d'une année, de janvier 2008 à janvier 2009, la hausse des prix à la consommation a été de l'ordre de 14,3% pour les produits agricoles frais (13,7% pour les légumes et 9,3% pour les fruits). D'ailleurs, à l'exception des huiles et graisses, qui ont accusé une baisse de 3,3% en raison de la chute des prix des matières premières sur le marché international, la pomme de terre (-2,3%), et à un degré moindre le pain et les céréales (-1%), tous les produits du groupe alimentation ont connu une hausse durant cette même période. Notons, cependant, qu'avant 1999, la moyenne de la production de céréales qui avoisinait à peine les 15 millions de quintaux, a été ramenée à 35 millions de quintaux, et 45 millions de quintaux sont prévus pour 2009 alors que les besoins de l'Algérie sont estimés à 65 millions de quintaux. Cela pour souligner que le PNDA ne constitue pas en soi un échec, mais a vraisemblablement révélé certaines lacunes. Rattraper tout ce qui reste imminent L'affaissement du prix du pétrole et des volumes exportés formeraient, prédisent les experts, les canaux par lesquels la crise du secteur réel des pays consommateurs frappe les économies de l'Opep, sans que cette institution puisse opposer une baisse conséquente de l'offre des exportations des Etats membres. S'agissant de l'Algérie, “la réduction de sa production exportable de son quota favoriserait le ralentissement de la croissance économique puisque celle-ci est, entre autres, tirée ces dernières années par la branche des hydrocarbures”, notait récemment un ancien haut fonctionnaire et spécialiste algérien, dans une contribution médiatique. Or l'Algérie possède des atouts pour promouvoir et diversifier ses exportations agroalimentaires, ou comme le déclarait un spécialiste algérien (séminaire Forum des chefs d'entreprise, Alger), “des atouts relevant, entre autres, des ressources naturelles significatives : une offre de travail élastique, celle des jeunes, pour la plupart alphabétisés et en mesure d'être performants sous la direction d'un ‘leadership' approprié”. Ce nouveau programme agricole s'inscrirait dans cette optique et pourrait considérablement renforcer l'actuel plan national de développement agricole. Combinée à ce que les services en charge de l'agriculture sont en train d'accomplir sur le terrain, depuis quelques années, cette action devrait pouvoir impulser au secteur agricole un bond assez significatif pour peu qu'elle s'accomplisse dans les délais. Toutes ces nouvelles mesures de soutien sont entrées en vigueur dès leur annonce, c'est-à-dire depuis le début de ce mois Zoubir Ferroukhi