Les parlementaires européens ont abouti à la conclusion que la mauvaise passe que traversent les droits de l'homme au Sahara occidental est “intrinsèquement liée à l'impossibilité, jusqu'à ce jour, de résoudre cette question de l'exercice de l'autodétermination du peuple du Sahara occidental”. Révélé par le quotidien espagnol El Païs dans son édition d'hier, le rapport de la mission des parlementaires européens effectuée les 26 et 27 janvier derniers au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, ne laissent planer aucun doute sur la responsabilité du Maroc sur la situation catastrophique des droits de l'homme. Il recommande que le mandat de la Minurso, doit inclure “la surveillance de la situation des droits de l'homme” au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, car l'impossibilité de l'autodétermination entrave les droits de l'homme au Sahara, estiment les parlementaires. Quoique quelque peu nuancé, le contenu de ce nouveau rapport est pratiquement similaire à ceux remis par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, il y a trois ans et de l'ONG Human Rights Watch (HRW), il y a à peine trois mois. Pour rappel, Human Rights Watch s'était déjà prononcée, le 19 décembre à Rabat, pour un “élargissement du mandat de la Minurso” qui s'est déployée dans le territoire en 1991 pour organiser un référendum que les objections du Maroc n'ont pas permis de tenir, emboîtant le pas au Haut-Commissariat aux droits de l'homme qui considérait déjà en 2006 “indispensable” que les droits de l'homme fassent l'objet d'un suivi, mais son rapport n'a pas été publié à cause des pressions de la France, selon des sources onusiennes. La délégation du Parlement européen appelle notamment l'Union européenne à travailler, “par le biais des Etats membres qui participent au Conseil de sécurité (la France et le Royaume Uni)”, pour que la Minurso puisse surveiller le respect des droits de l'homme. Ceci étant, la délégation ad hoc du Parlement européen pour le Sahara occidental, que préside l'ancien ministre des Affaires étrangères chypriote, Ioannis Kasoulides, avec Carlos Carnero (socialiste espagnol), Carlos Iturgaiz (Parti populaire espagnol) et Luca Romagnoli (italien non inscrit), a entrepris les démarches pour enquêter dans la région fin 2005. Ce n'est qu'un an après qu'elle a pu visiter Tindouf et plus de trois ans après, en janvier dernier, elle s'est finalement rendue à El-Ayoune, la capitale du Sahara occidental occupé par le Maroc. Durant leur séjour au Sahara occidental, les membres de la délégation indiquent que leurs interlocuteurs marocains “ont mis à la disposition de la délégation toutes les facilités nécessaires”, mais nombre de Sahraouis qu'elle devait interviewer ont cependant été “empêchés par les forces de l'ordre marocaines d'accéder au lieu de la réunion”. Ils ont été victimes “d'intimidations et mauvais traitements” et il y a eu même un cas de kidnapping pendant une nuit, soulignent-ils. Ainsi, des témoignages reçus, la délégation a constaté des “atteintes récurrentes aux droits de l'homme, notamment à la liberté d'expression, d'association, de manifestation de communication, etc.” Quant au fonctionnement de la justice, il est biaisé car la législation marocaine sanctionne “les atteintes à l'intégrité territoriale” qui souvent ne sont que des simples prises de position indépendantistes. À partir de là, les eurodéputés demandent-ils au Maroc “la suppression des sanctions basées sur l'atteinte de l'intégrité territoriale” et que les plaintes contre les policiers déposées devant la justice par les indépendantistes fassent l'objet d'un suivi. Ils invitent la représentation de la Commission européenne à Rabat à “dépêcher des observateurs aux procès impliquant les militants sahraouis”. Ils suggèrent, enfin, à Rabat de désigner un lieu à El-Ayoune où les manifestations puissent se dérouler librement. Toutefois, le rapport est moins critique sur la situation dans les camps contrôlés par le Front Polisario qui “s'est montré d'une extrême disponibilité”, au point de se déclarer prêt à accueillir une délégation européenne “tous les trois ou six mois”. “Les tensions sporadiquement observées dans les camps ne sont guères étonnantes eu égard des conditions de vie extrêmement précaires” qui y règnent, signale la délégation. Ces conditions pénibles sont, en partie, dues à ce que les dirigeants du Polisario “redoutent que le développement d'un début d'infrastructure soit interprété par la population sahraouie comme un enracinement et, donc, un renoncement à la perspective d'un retour au pays”. Merzak Tigrine