Il y a très longtemps, une tribu de nomades s'installa à la lisière d'une forêt. L'une des femmes alla chercher du bois en compagnie de sa fille, Habra. En jouant, l'enfant s'éloigna et s'égara. Après l'avoir chercher en vain, la mère rentra au campement, l'âme en peine. Habra fût découverte et adoptée par un vieux lion qui vivait seul. Elle grandit et aimait le lion comme s'il avait été son vrai père. Mais un jour, elle lui posa la question redoutable : “Père, où sont les miens ?” Le cœur serré, le lion lui répondit : “Ta famille vit à l'orée de la forêt.” Habra retrouva ses parents. Toute sa tribu fête son retour. Tout le monde voulait savoir comment était le lion. Les questions fusaient. Habra ne tarissait pas d'éloges répétant inlassablement, jour après jour, combien son père, le lion était brave, loyal, bon et courageux. Elle ignorait, que le félon venait toutes les nuits, couché derrière la tente pour écouter ces éloges qui lui faisaient chaud au cœur. Un soir, les personnes présentes insistèrent pour connaître le défaut du lion. Exaspérée, Habra lâcha : “Il a une mauvaise haleine.” Profondément blessé par ces mots, le lion rentra chez lui et ne revint plus. Le temps passa. Un jour, Habra décida de rendre une visite au lion. Elle se jeta à son cou. L'animal lui demanda alors : “Si tu m'aimes vraiment, prends cette hache et frappe-moi entre les yeux.” “Comment ?” Jamais je ne te ferai de mal. Tu es mon père !” “Fais ce que je te dis”, ordonna le félin. Habra s'exécuta. Le sang gicla. Le lion ordonna à nouveau : “À présent, soigne-moi.” Les jours passèrent. Habra pansait les blessures de son père pour la énième fois, elle posa la question : “Père, pourquoi as-tu voulu que je te blesse ?” “À présent que la blessure est guérie, je peux te le dire, avoua-t-il. Et il chanta ce refrain resté célèbre jusqu'à nos jours : “Toutes les plaies saignent, se referment et cicatrisent, ô ma fille Habra, toutes, sauf celles provoquées par les mots considérés, ô ma fille Habra !” Nadia Arezki [email protected]