Dans une forêt, autrefois, une fillette s'égara pendant que sa mère ramassait du bois sec. La pauvre femme chercha longtemps son enfant sans jamais la retrouver. Quand la nuit tomba, le cœur endeuillé, elle retourna chez elle car elle pensait que sa petite fille avait été dévorée par les bêtes sauvages. Cependant, il n'en était rien ; la fillette avait été retrouvée par un ours qui l'emporta dans sa grotte et l'adopta sans jamais la laisser sortir. Il obstruait l'entrée de la grotte d'une énorme pierre que lui seul était capable de déplacer d'un simple geste grâce à sa force d'ours. Dès le matin, il partait chasser et le soir, il rentrait avec quelques nourritures. Ainsi, les jours s'écoulèrent semblables les uns aux autres et l'enfant poussa au fil des saisons. Elle devint enfin une jeune femme et l'ours l'épousa. De ce mariage naquit un garçon qui ressemblait à sa mère et possédait la force de son père. De bonne constitution, il grandit très très vite. Un jour, il dit à sa mère : — Ma mère ! Qu'y a-t-il derrière cette grosse pierre qui ferme l'entrée de la grotte ? Mon père ne t'a-t-il jamais laissée sortir pour voir ce qu'il y a à l'extérieur ? — Non ! répondit la pauvre femme. Je n'ai rien connu sinon l'intérieur de cette grotte. En entendant cela, le jeune homme saisit le rocher, et, d'un mouvement, il le jeta au loin et sortit avec sa mère. Ils prirent la route et marchèrent longtemps avant d'arriver au bord d'un fleuve sur lequel un bateau voguait. La mère agita en l'air un mouchoir et le bateau s'arrêta. Elle monta avec son fils que tout le monde regardait avec étonnement tant il était colossal. Depuis, on l'appelait : Pépé Colosso. Pépé Colosso et sa mère traversèrent le fleuve. Ils débarquèrent sur l'autre rive dans une ville où ils ne tardèrent pas à trouver un magasin de vêtements. Le jeune homme entra le premier et demanda au marchand une djellaba et un turban pour lui, ainsi qu'une robe et un foulard pour sa mère. Il demanda également des chaussures. Le marchand, heureux de réaliser une si belle vente, le servit avec un large sourire ; mais ce sourire disparut bien vite lorsqu'il vit ses clients s'en aIler sans payer. Il cria alors : — Eh ! Je vous ai donné des vêtements et des chaussures. Il va falloir me donner de l'argent ! — De l'argent ? demanda Pépé Colosso. C'est quoi l'argent ? — Mais c'est avec cela que l'on paye tout ce que l'on achète. — Où peut-on trouver de l'argent ? — Pour avoir de l'argent, il suffit de travailler. — Où puis-je travailler ? — Oh ! Fort comme tu es, dit le marchand, tu trouveras facilement à travailler chez le forgeron. — Merci, je vais aller de ce pas chez le forgeron et lorsqu'il me donnera de l'argent, je viendrai te payer. — Ah, non ! refusa le marchand. Rendez-moi d'abord les vêtements et vous reviendrez lorsque vous aurez de quoi me les payer. — Mais puisque je te dis que je reviendrai ! — Non ! — Si ! hurla le fiIs de l'ours. Comme le marchand ne voulait rien entendre, Pépé Colosso, furieux, arracha un arbre en l'entourant de ses bras et se précipita en direction du magasin. Le marchand voyant l'arbre pointer vers sa porte se mit à hurler : — Oh s'il te plaît ! Prends tout ce que tu veux, mais ne détruis pas ma boutique ! — Ah ! Enfin un langage que tu comprends, conclut Pépé Colosso. (à suivre...)