Ce village est géré principalement par le comité de village en collaboration avec les associations, une association culturelle, une autre sportive, une autre religieuse, une autre de parents d'élèves et une encore œuvrant pour l'environnement... C'est dire si ce village est actif. Nos villages sont depuis la nuit des temps un exemple de gestion sociale et même économique des moyens humains et matériels internes à la cité. Suivant des méthodes ancestrales, puisées dans la sagesse de nos aïeux, comme tachemlith, le volontariat, la touiza, Timechret, nos ancêtres ont su nous léguer tout un ensemble d'outils matériels et immatériels qui nous permettent, aujourd'hui au temps de la Bourse, de gérer nos biens collectifs en toute transparence. On veut pour exemple le village Zoubga, dans la commune d'Illiltène. Il est géré principalement par le comité de village en collaboration avec les associations ; une association culturelle, une autre sportive, une autre religieuse, une autre de parents d'élèves et une encore œuvrant pour l'environnement... c'est dire si ce village est actif. Des organisations qui participent, chacune à sa manière, au développement de Zoubga, affichant une volonté de sortir de l'isolement et se prendre en charge. Une façon de sensibiliser et de responsabiliser les villageois, compte tenue de la gestion de leur quotidien, ce qui lui a valu le prix du meilleur village de Kabylie pour l'année 2007, lors du concours lancé par l'APW de Tizi Ouzou dans le cadre de l'environnement. À l'entrée du village, la statue d'Aneccab, un fabriquant d'ustensiles en bois, représentant le passé traditionnel de ces villageois connu autrefois pour ce métier. Zoubga dispose également d'un musée d'objets traditionnels au sein même du village, d'une crèche, d'une salle de lecture et d'une autre informatique, un kiosque multiservices, des toilettes publiques… Des commodités qu'on retrouve rarement même dans nos chefs-lieux de commune ! À cela s'ajoute une aire de jeux et une salle de sport. Nous avons essayé de comprendre ce mécanisme de gestion à la fois moderne et ancien, les activités de villageois qui, par le biais de leur comité et associations, ont instauré un règlement intérieur au village et des commissions de travail suivant un modèle administratif… Pour Chikh Bouhou, un sage du village également enseignant, “cela relève du principe de l'organisation”. Le secrétariat Il est assuré par des personnes compétentes. Il a pour mission d'élaborer un règlement intérieur du village, d'organiser les réunions, de trancher sur l'ordre du jour. Il a aussi la responsabilité de présenter les bilans moral et financier, mensuel et annuel, les dépenses faites par le comité. Ceux-ci sont présentés pour approbation lors d'une AG rassemblant tous les villageois, qui seront ensuite affichés dans un lieu réservé à l'attention des habitants. Une commission de suivi des travaux (aménagement et volontariat) Cette commission rassemble tous les ouvriers qualifiés de Zoubga, maçons, plombiers, électriciens… Ils ont pour tâche l'entretien, la réparation, la réalisation et le suivi des travaux lancés par le village, suivant toujours tachemlith, le volontariat. Elle s'occupe aussi de l'aménagement, de la réalisation de fontaines publiques, du bétonnage des ruelles, de l'aménagement d'espaces verts… Commission d'arbitrage, litige et contentieux Elle a pour mission de régler à l'amiable tous les conflits pouvant opposer les citoyens du village. “Notre devoir est d'éviter que des personnes n'arrivent devant la justice, quelquefois pour rien. Nous ne somme pas contre la justice, mais cela ne fera que compliquer des choses simples. Nous pouvons éviter cela. Parmi nos interventions, départager des frères ou des familles en oies de scission, ce qui a toujours été fait dans les règles de l'art. S'il y a une justice au village, pourquoi aller dans un tribunal ? Nous avons toujours réussi à régler les différends et les conflits, et ce comportement, nous l'avons hérité de notre ancêtre… Le principe de tadjmaâthe est toujours là… ”, nous explique Da Amar, un vieux du village. Commission sociale et traditions Cette commission organise les activités sociales au village en apportant une aide aux nécessiteux, notamment pendant les fêtes religieuses, en offrant des couffins alimentaires aux indigents. Ce n'est pas seulement des produits alimentaires, mais même des habilles. Elle organise timechret, la zarda aux lieux saints et aux mausolées, les circoncisions collectives… “Dans ces montagnes, nous avons de grandes valeurs, mais peu de moyens, ce qui nous interpelle à redoubler d'effort et à unir nos forces afin de développer notre cité. Tout le monde à un devoir à accomplir et une responsabilité”, dira M. Lekhbacen, président du comité de village. “En matière d'éducation, nous avons investi dans une crèche, une salle informatique et une autre de lecture. On assure des cours d'alphabétisation pour les femmes, car on estime qu'elles ont le droit de regard”, renchérit Chikh Bouhou. En ce qui concerne l'environnement, le village de Zoubga a été élu par l'APW de Tizi Ouzou, en 2007, le village le plus propre de Kabylie. Un modèle dans la gestion des intérêts de la collectivité ; c'est sans doute le premier en Kabylie à avoir réalisé une décharge maîtrisée par ses propres moyens et acquis un véhicule de collecte depuis 1986, s'organisant en l'occurrence, instaurant un système de gestion des déchets ménagers qui profite au citoyen et à la nature. Par ailleurs, d'autres ouvrages ont été effectués par les villageois, selon le système du volontariat, tachemlithe. Zoubga demeure l'un des rares villages qui ont réussi la synthèse de la modernité et de la tradition.