L'ex-président du tribunal d'Adrar, B. Boumediène, poursuivi pour falsification, a été acquitté avant-hier par le tribunal près la cour de Boumerdès alors que le procureur avait requis 10 ans de prison ferme. L'annonce du verdict a suscité une vive émotion et beaucoup de joie au sein de l'assistance y compris chez les juges et les membres du jury dont certains n'ont pas pu retenir leurs larmes tant le calvaire, tel que raconté par ce magistrat et les nombreux témoins, frise le scandale. Cette affaire remonte au 21 mai 2001 lorsque le président du tribunal d'Adrar, B. Boumediène accorda au cours d'une audience la liberté provisoire au profit d'une vieille femme accusée d'avoir abrité chez elle des étrangers africains. Le procureur était contre cette décision alors que l'avocat de la vieille dame a demandé l'acquittement pour sa cliente. Mais cette dernière ne sera pas libérée dans les 24 heures, comme l'exige la réglementation, car le secrétaire de séance du tribunal n'a pas rapporté sur le registre la décision se rapportant à la libération provisoire. Et ce n'est qu'au bout de deux jours qu'on s'aperçoit de l'erreur. Le procureur refuse de signer “le procès-verbal avec deux jours de retard”. Le président du tribunal avait pris soin de rédiger un PV sur la demande de libération. Curieusement, le document disparaît tout comme une partie du dossier relative à l'affaire. Contre toute attente, ce qui paraissait une simple erreur prend l'allure d'une véritable affaire d'Etat. Commence alors le calvaire pour B. Boumediène, président du tribunal d'Adrar, qui sera mis d'office à la retraite après être passé en conseil de discipline. Mais ses déboires ne s'arrêteront pas là, il sera poursuivi par ses pairs pour “falsification de documents officiel”. Présent hier dans le box des accusés, l'accusé a longuement expliqué, arguments à l'appui, la genèse de cette affaire qui l'a fortement marqué. Il éclate en sanglots à trois reprises. La juge, connue pour son professionnalisme, arrive difficilement à retenir ses larmes tout comme de nombreuses personnes qui ont préféré quitter la salle. De nombreux témoins venus d'Adrar, parmi eux le procureur général, le directeur du pénitencier d'Adrar, le greffier en chef, les secrétaires ainsi que d'anciens collègues de M. B. Boumediène se succèdent à la barre pour apporter des éclaircissements sur cette affaire. Tous sont unanimes à souligner la compétence et la loyauté du président du tribunal. Ce dernier ne se privera pas de lancer un pavé dans la mare en s'adressant au juge. “Vous savez que dans le milieu de la justice, chez nous, lorsqu'on veut tricher, soit il y a une intervention, soit on reçoit de la corruption, alors dites-moi quel intérêt puis-je avoir avec cette vieille femme ?”