Le tribunal a prononcé l'acquittement pour dix accusés, dont quatre responsables d'entreprise, trois cadres de bureau d'études et trois entrepreneurs dont un chef de projet. C'est dans une salle archicomble que le président du tribunal, M. Benabdellah Redhouane, a rendu hier son verdict à l'encontre des 38 accusés dans l'affaire du séisme de Boumerdès. Ainsi, 27 personnes sur les 38 accusées, parmi elles 13 ingénieurs et cadres du bâtiment, dont 4 techniciens du CTC ainsi que 14 entrepreneurs ont été condamnées à deux années de prison ferme et 50 000 DA d'amende, alors qu'un technicien, H. A., considéré en fuite à l'étranger, a été condamné à trois ans de prison ferme et à 50 000 DA d'amende. Le tribunal a cependant prononcé l'acquittement pour dix autres personnes dont quatre responsables d'entreprise, trois cadres de bureau d'études et trois entrepreneurs dont un chef de projets. Parmi les personnes relaxées figurent l'ancien DG de l'OPGI de Boumerdès, Henni Adda Kamel, et le P-DG de l'EPLF, Selkim Mohamed. Pour rappel, le procureur de la République avait requis, il y a plus d'une semaine, trois années fermes et 10 000 DA à l'encontre des 35 accusés et deux années fermes contre deux autres, comme il a demandé l'acquittement pour trois autres personnes. Les accusés étaient poursuivis, pour rappel, pour les chefs d'inculpation d'homicide et blessures volontaires, fraude dans les matériaux de construction et non-respect des normes de construction et d'urbanisme. Ces délits répondent aux articles 288, 289 et 429 du code pénal. Plusieurs personnes, notamment des parents de condamnés, se mirent à pleurer, ainsi la fille d'un technicien du CTC qui s'est jetée en sanglots dans les bras de son père ou cet adolescent, fils d'un ingénieur en bâtiment, qui n'a pu retenir son émotion à l'annonce du verdict. Une femme et sa fille sont tombées carrément sur les sièges en pleurant. Son mari, condamné à deux ans, tenta de les calmer, mais en vain. Un couple d'ingénieurs, le mari et sa femme, exerçant dans un bureau d'études, a été condamné à deux années de prison ferme. Pour leurs enfants en bas âge, ce fut un coup de foudre, puisqu'ils s'imaginaient déjà sans parents pour deux longues années. Ailleurs, parmi les relaxés, la joie était discrète, bien que les parents des 10 personnes acquittées aient voulu fêter l'événement. Mais ils finiront par en être dissuadés craignant de peiner davantage les autres condamnés d'autant plus que tout au long du procès, des liens d'amitié et surtout de grande solidarité se sont tissés entre tous les accusés. La femme d'un technicien du CTC, elle aussi cadre de cet organisme, a laissé éclater sa colère en dénonçant le verdict. “Nous avons servi pendant 20 ans le CTC et j'ai quatre enfants ; vous avez osé condamner mon mari pour des bâtiments qui n'ont fait aucun mort”, criait de toutes ses forces cette dame. “On veut m'arracher mon mari pour des fautes qu'il n'a pas commises parce que mon mari est un pauvre et il est fils de pauvre, alors que les vrais responsables ont été mis de côté”, crie-t-elle avant d'ajouter que son mari “est victime d'un simple ordre de mission”. Des techniciens et des ingénieurs en bâtiment en voulaient aux experts désignés par le ministère de l'Habitat. “Vous êtes responsables de cette situation, c'est vous qui avez envoyé nos enfants au peloton”, ont reproché les parents des cadres condamnés aux quelques experts présents ce jour-là. Un haut cadre du CTC juge le procès de mascarade et ne comprend pas pourquoi des ingénieurs et techniciens ont été condamnés pour des logements non effondrés. D'autres s'interrogent sur la condamnation des chefs de service d'entreprise publique bien que leurs responsables hiérarchiques aient été acquittés. Maître Bourayou a affirmé : “C'est injuste, la condamnation de mon client”, précisant que la justice doit être éloignée de tout cela. Et il ajoute : “Encore une fois la justice est passée à côté.” Le professeur Chelghoum a voulu exprimer son soutien et sa solidarité aux techniciens condamnés, les qualifiant de compétents et d'intègres en précisant toutefois qu'il respecte la décision de la justice qui a été rendue. De nombreux avocats ont regretté l'absence “des principaux responsables de la catastrophe comme le ministre de l'Habitat, le ministre du Commerce et les responsables du laboratoire d'analyses du sol”. Pour ces avocats, ce procès a touché des lampistes, des gens pauvres et de simples fonctionnaires. “Mais les responsables qui ont importé les matériaux frauduleux et ceux qui ont établi un mauvais zonage pour Boumerdès et Alger sont intouchables”, lance un avocat visiblement très déçu par le verdict. Un autre parle de procès des intellectuels en faisant allusion aux techniciens et ingénieurs condamnés. Par ailleurs, la plupart des condamnés ont décidé de faire appel de cette décision et même le procureur de la République prendra certainement la même décision. Ce qui explique qu'on s'achemine vers un autre procès sur le séisme de Boumerdès. Mais au cas où le procureur ne ferait pas appel, le procès aura lieu au niveau de la cour de Boumerdès, et dans ce cas de figure les dix personnes relaxées seront présentes en qualité de témoins. De l'avis des avocats rencontrés hier, un autre procès sur le séisme se dessine déjà. À noter que c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que des personnes sont condamnées pour une affaire liée à un tremblement de terre. Selon M. Chelghoum, des procès comme celui-là ont eu lieu en Turquie, en Italie et à Los Angeles, mais les accusés ont tous été acquittés. Pour rappel, le séisme de Boumerdès a fait plus de 2 268 morts dont la moitié à la cité des 1200-Logements et Reghaïa qui ne sont pas concernées par ce procès, alors que les blessés se comptent par milliers ; il a été enregistré 5 milliards de dollars de dégâts. Signalons enfin que le chargé du contentieux au niveau de l'OPGI de Boumerdès a été relevé de ses fonctions pour se constituer en partie civile dans le procès du séisme. M. T.