Lors du deuxième jour de Cannes, coïncidant avec le début de la compétition, le réalisateur chinois Lou Ye, avec son dernier film “Nuits d'ivresse printanière”, a ravi la vedette à la réalisatrice britannique Andrea Arnold qui a pourtant livré une belle peinture réaliste dans “Fish Tank”, pour ensuite laisser sa place le jour suivant à Jane Champion, l'unique Palme d'or féminine, qui revient pour briguer une deuxième place avec “Bright Star”. Incontestablement, suite à la projection de Nuits d'ivresse printanière, le réalisateur chinois a été l'homme le plus visible et le plus prononcé par les lèvres des festivaliers. Il a carrément mis La Croisette en état d'ivresse en y répandant ses images printanières ! Cela s'explique par plusieurs raisons. D'une part, la censure qui le frappe toujours dans son pays lui a valu quelques sympathies des journalistes qui l'ont mis en valeur abondamment. D'autre part, la thématique tabou traité, à savoir “l'histoire d'une torride passion amoureuse entre deux hommes” qui lui causé des problèmes de montage financier, comme l'explique le réalisateur, suscite toujours des débats, même en Occident. Enfin, la renommée du cinéaste qui a proposé un film de haute facture. Lou Ye est un habitué de Cannes. Déjà, en 2003 et en 2006, il a été en compétition officielle avec respectivement Purple Butterfly et Une jeunesse chinoise. Le voilà de retour avec un nouveau film pour charmer la charmante Isabelle Huppert avec des images printanières. Cédera-t-elle à l'ivresse ? À voir !Par ailleurs, même sous l'ombre chinoise, la Britannique n'est pas passée inaperçue puisque son film a fait couler beaucoup d'encre et alimenté abondamment les discussions cannoises. Dans un style réaliste à l'anglaise, elle a suivi la révoltée Mia qui se réfugie dans le hip-hop pour fuir sa morose existence d'adolescente. C'est cette dernière qui va lui servir de prétexte pour nous livrer un portrait “de gens simples, peu argentés, qui tentent de vivre tant bien que mal”. Avec Fish Tank, la lauréate du Prix du jury à Cannes en 2006 avec son premier long métrage Red Road se veut ambitieuse. Le deuxième jour, c'est Jane Champion qui était sous les feux de la rampe suite à la projection de Bright Star. La cinéaste néo-zélandaise est une habituée de La Croisette puisqu'elle a déjà remporté une Palme d'or avec son court métrage Peau et surtout la première Palme d'or féminine 1993 avec la Leçon de piano. À l'instar de son concurrent chinois, la Néro-Zélandaise passe également par la mise en scène de la passion amoureuse pour convaincre. Il s'agit de “l'histoire tragique, celle que partagea au début du XIXe siècle le grand poète romantique anglais John Keats avec sa voisine Fanny Brawne”. La prétendante à la Palme d'or commente son film ainsi : “Le livre m'a bouleversée. J'étais fascinée et profondément émue par leur souffrance et par la beauté et l'innocence de leur amour...” On sait qu'en temps de crise, les histoires à la Roméo et Juliette font recette, mais aller jusqu'à dire que le jury essentiellement féminin cédera à coup sûr aux émotions, c'est prendre un raccourci.