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“Le football algérien est très malade !”
Nasser Sandjak, coach de la JSK, à Liberté
Publié dans Liberté le 05 - 07 - 2003

À peine a-t-il débarqué à Tizi Ouzou qu'il a retroussé énergiquement les manches. Arrivé lundi soir dans la ville des Genêts, Nasser Sandjak a planté son décor, dès le mardi matin, au stade du 1er-Novembre, pour secouer carrément le cocotier et transmettre déjà son tempérament de feu à des Canaris pas du tout surpris, eux qui ont déjà connu et apprécié le gagneur et l'homme des défis, ce coach, auquel la JSK doit beaucoup dans l'épopée victorieuse de la première Coupe de la CAF lors de l'hiver euphorique de décembre 2000.
Après quatre jours de labeur et de sueur, au 1er-Novembre, le fief des Canaris, qui l'a déjà accueilli à bras ouverts, l'ex-entraîneur national et désormais ex-coach de Noisy-le-Sec, ouvre déjà tout son cœur aux supporters kabyles et en… toute “liberté”.
Liberté : Tout d'abord, Nasser Sandjak, parlez-nous de ces retrouvailles avec la JSK...
Nasser Sandjak : Cela s'est passé le plus normalement du monde dans la mesure où j'ai eu la sensation de retrouver ma seconde famille. Sincèrement, j'ai eu la nette impression de n'être jamais parti de Tizi Ouzou. Ceci dit, j'ai constaté quand même des changements intéressants au niveau des structures du club et il me semble que la JSK est en train de prendre une dimension au-dessus.
L'on a aussi remarqué que les supporters kabyles vous ont réservé un accueil très chaleureux, au stade, à l'hôtel, dans la rue, cela donne chaud au cœur...
C'est sûr ! Quand vous exercez un tel métier d'entraîneur, cela fait énormément plaisir que le public soit très près de vous, qu'il vous encourage et vous fasse confiance. Je pense que ce merveilleux public a surtout compris que j'ai surtout répondu à un cri du cœur, à un appel de la JSK et de tous ses milliers de supporters. J'estime que sur ce plan-là, le public me le rend bien et il reste, surtout, à passer tout ce message aux joueurs pour réaliser quelque chose d'intéressant.
Ne redoutez-vous pas un public aussi exigeant ?
Non, non, au contraire ! Un public exigeant qui est toujours derrière son équipe, cela ne peut que nous motiver, nous stimuler à l'extrême sans dépasser les limites de la sportivité, bien évidemment. Une chose est sûre, la JSK a un public exceptionnel qui a déjà fait preuve d'un grand soutien par le passé, et il a déjà tout mon respect.
La soirée folle vécue en décembre 2000 face à l'Ismaïlia restera gravée dans ma mémoire toute ma vie, même des journalistes venus de France et ayant déjà couvert des coupes du monde ont été impressionnés par ce public en folie.
En quittant la JSK en décembre 2000, après la fabuleuse victoire face à Ismaïlia, vous vous êtes mis dans la tête de revenir un jour en Kabylie…
Eh bien, je vais vous avouer que dans ma tête, il y avait comme un gros goût d'inachevé dans cette merveilleuse aventure que j'avais vécue à la JSK. Je me rappelle bien qu'en regagnant l'aéroport, je me suis dit qu'il s'agissait, en fait, d'un simple au revoir. La preuve, deux ans après, je me retrouve à Tizi Ouzou sans n'avoir rien préparé pourtant. Les choses se sont déroulées rapidement et naturellement, comme quoi il faut toujours croire au destin.
En décembre 2003, vous aviez réussi un véritable “coup de poker” avec Mahieddine Khalef et le président Hannachi. Mais là, vous êtes seul à la barre technique ?
Il est vrai qu'en faisant appel au duo Khalef-Sandjak ou au tandem Sandjak-Khalef, appelez ça comme vous voulez, le président Hannachi a tenté un gros coup, ou “ça passe ou ça casse”, pour tous les trois. Finalement, le saut périlleux fut réussi et ce fut tant mieux pour la JSK, qui aime bien ce genre de défis. Pour le présent, je ne considère pas cela comme un gros challenge mais surtout comme un gros projet de construction.
Quand vous avez la chance de posséder un effectif jeune et surtout talentueux, il faut se remettre sérieusement au travail de longue haleine pour rebâtir une équipe très performante. Il s'agit-là d'un enjeu très intéressant dans la mesure où il faut réapprendre à gagner des titres doucement mais sûrement, et c'est certainement plus motivant que de débarquer au sein d'un club qui a raflé tous les titres de ces dernières années et qui n'a plus rien à prouver. Si c'était le cas, croyez-moi, je ne serais pas ici.
Pourtant, à tous les supporters qui vous accostent depuis quelques jours pour vous exiger déjà des titres, vous leur rétorquez aussitôt : “Doucement, doucement !”
Dans la vie, il faut aller doucement. En venant de l'aéroport, j'ai vu toutes ces maisons touchées par le séisme. J'ai réalisé qu'en un laps de temps, tout peut s'écrouler et l'on peut perdre, en un seul instant, tout ce qu'on a construit durant toute une vie, autrement dit, des années et des années de travail et de sacrifice. Cela veut dire que les supporters doivent être patients et persévérer dans leur soutien indéfectible envers leur équipe. Une équipe, ce n'est pas seulement les joueurs ou un staff, mais le public fait aussi partie d'un tout qui doit servir le club en parfaite symbiose. La patience est l'arme redoutable d'un vainqueur et je suis persuadé qu'avec le temps nécessaire, la JSK reprendra sa place de leadership de football national. En plus, des talents déjà bien connus, il y a des “jeunes loups” tout aussi capables de casser la baraque et d'assurer la relève au fil des saisons.
Pourtant, votre prédécesseur Jean-Yves Chay n'a pu résister à cette “obligation de résultats” et a dû jeter l'éponge arguant le fait qu'il ne possédait pas de… baguette magique pour ce faire...
Si l'on m'assure de grands joueurs confirmés et expérimentés et de gros moyens, je suis preneur. Mais lorsque vous avez un grand nombre de joueurs jeunes qui évoluent en panaché avec quelques joueurs d'expérience, il faut savoir être tolérant car l'on peut réussir des hauts et des bas et il faut bien faire avec sans trop céder ni à l'euphorie ni au découragement.
Êtes-vous satisfait du recrutement d'intersaison ?
Vous savez bien que j'ai pris le train en cours de route, et que, sur ce plan là, je fais confiance aux dirigeants et à la qualité de leur recrutement.
Je suis en train de découvrir, petit à petit, tous les nouveaux joueurs tout en leur laissant le soin de s'adapter, de s'acclimater et de monter progressivement en puissance.
Objectif primordial : une 4e Coupe de la CAF consécutive ou, au contraire, un titre national qu'exigent désormais les supporters de plus en plus sevrés de coupe et de championnat d'Algérie ?
L'essentiel est de bâtir, avant tout, une équipe performante et cohérente afin de faire face à toutes les exigences, qu'elles relèvent de la Coupe de la CAF ou de la compétition nationale.
D'abord, il y a une grande notoriété africaine déjà acquise et qu'il faudra encore conforter davantage. Quant à la compétition nationale, il faut se dire qu'il y a un championnat long et difficile et, surtout, parsemé d'obstacles et de programmation souvent irrégulière et nous allons tout faire pour occuper le haut du pavé même si la tâche s'annonce dure, très dure.
Il y a deux ans, vous étiez très déçu de la qualité des pelouses mais aussi de l'arbitrage en Algérie ?
C'est vrai ! J'ai été effrayé par l'état lamentable des pelouses. Je me rappelle que nous avions préparé tactiquement, durant toute la semaine, un match important mais au bout d'une dizaine de minutes, nous avions abandonné tout notre schéma tactique car la pelouse était injouable et le match ingérable. C'est important d'améliorer la qualité des pelouses pour garantir le spectacle d'une part et permettre aux joueurs de progresser, d'autre part. Les mauvaises pelouses ne font que cacher la médiocrité et les lacunes de certains joueurs et cela ne fait que niveler les valeurs par le bas. En Coupe de France, par exemple, les petites équipes exploitent justement les terrains bosselés pour réussir quelques gros coups face aux grosses cylindrées mais sans plus.
Et l'arbitrage ?
Je pense que l'arbitrage algérien s'est beaucoup amélioré ces dernières années. Cette année, par exemple, j'ai eu l'occasion de voir à l'œuvre quelques bons arbitres et cela est encourageant. Je n'ai pas l'habitude de taper sur les arbitres mais j'avoue qu'en Algérie, il faut être courageux pour arbitrer surtout des matches importants. Je leur demanderais surtout d'être honnêtes et responsables, en toute circonstance, pour aider le football algérien à rebondir.
Faut-il rappeler que vous avez été entraîneur national ? Avec le recul du temps, quelle est votre appréciation du football algérien ?
D'abord, notre chance est que l'Algérie est un pays passionné de football. Ensuite, nous possédons toute une génération de jeunes footballeurs racés et très au courant de ce qui se passe dans le monde. Il faut savoir composer avec tous ces talents qu'il faut faire travailler mais surtout responsabiliser face à leur destin.
En Algérie, j'entends parler avant tout de discipline à instaurer, mais ce concept est déjà dépassé à travers le monde. Il faut donner aux joueurs tous les moyens pour s'épanouir, mais il faut surtout les responsabiliser, leur faire prendre conscience pour exercer pleinement leur métier de footballeur professionnel.
Que pensez-vous du conflit entre entraîneurs nationaux et étrangers ?
Sans détour aucun, je dirais que le football algérien est très malade actuellement et à mon sens, il n'y a que les entraîneurs algériens qui sont capables de le sortir de son marasme actuel. Une fois que le football algérien eut été sorti de l'impasse par les entraîneurs du cru, l'on pourrait éventuellement faire appel à des techniciens étrangers de valeur pour tenter d'apporter un plus.
Que pensez-vous de l'actuel président de la FAF, Mohamed Raouraoua ?
Je sens que c'est un homme qui a envie de mettre de l'ordre dans le football national. Je pense qu'il accomplit actuellement un travail de fond et qu'il a vraiment à cœur de remettre le football algérien sur orbite. J'ai eu la chance de le rencontrer une fois et nous avons discuté longuement.
J'ai la nette impression qu'il s'efforce de remettre notre football sur les rails même si tout le monde exige, comme toujours, des résultats urgents et coûte que coûte. C'est le mal du football algérien.
Après avoir quelque peu “flambé” l'EN lors de la CAF 2000 au Ghana, seriez-vous tenté par une nouvelle expérience comme entraîneur national ?
Pourquoi pas ? S'il y a une autre expérience à vivre un jour dans un cadre adéquat, autant la tenter. À ce titre, je remercie encore une fois l'ex-ministre M. Aziz Derouaz qui m'a donné une chance unique pour vivre une expérience très passionnante et prouver ce que j'étais capable de faire. Sandjak en lui-même ne représente peut-être pas beaucoup, mais s'il avait pris un peu plus de temps, pour voir ses joueurs fonctionner, le football algérien aurait gagné en tout, surtout que lors de la CAN 2000, l'on avait réussi à constituer un groupe, une unité sur le terrain, autrement dit, une belle équipe d'Algérie qui commençait à se dessiner et qui méritait certainement un meilleur sort, un meilleur avenir. Patatras !
En 2003, il n'y a malheureusement rien qui en est sorti depuis cette Can 2000. Après mon départ de l'EN, qu'importait le nom du coach, il fallait préserver ce groupe qui était capable de qualifier l'Algérie en Coupe du monde 2002.
Malheureusement...
Des regrets d'avoir quitter Noisy-le-Sec, un club et une banlieue auxquels vous avez tout donné ?
C'était très déchirant de quitter Noisy-le-Sec, mais j'ai senti que j'étais aussi redevable avec la JSK. J'ai donc laissé ma famille et des amis pour répondre à une cause. En Kabylie aussi, il y a des hommes et des enfants qui voulaient que je revienne pour leur procurer un peu de plaisir et de bonheur.
En sorte, je n'ai fait que répondre à un appel de mon peuple et de sortir fier d'une telle expérience. Comme cela, je pourrai tout au moins raconter de grands souvenirs à mes propres enfants aussi.
M. H.


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