L'histoire des pays entourant le bassin méditerranéen est jalonnée de mouvements humains périodiques aussi divers que nombreux sous leurs formes de flux et de reflux. Chaque mouvement a charrié des invasions, des migrations commerciales, des actes coloniaux suivis de terribles guerres coloniales et, enfin, des migrations de main-d'œuvre. Ces mouvements ont conséquemment déversé, sur les deux rives de la Méditerranée, des langues, des cultures, des modèles plurivalents d'architecture, d'urbanisation, des modes de vie, des religions, des échanges commerciaux et autres animations humaines. Ces quotités se sont déposées et mutuellement sur des soubassements civilisationnels préexistants. L'histoire, en tant que témoin du parcours de notre vie, est un héritage humain du passé destiné à mieux construire et aborder le présent et l'avenir et non pour la stigmatiser autour de la rancœur, de la revanche, de l'animosité et autre rétraction. Lorsqu'elle est transformée en un gouffre profond où l'épaisse couche de la pénombre assombrit davantage l'ambiance, alors l'histoire peut produire, alimenter et entretenir l'hostilité. C'est pourquoi, l'histoire devrait plutôt être retenue, consignée et présentée comme une école qui permet à l'homme de s'instruire autour des expériences multiples. L'éminent poète et grand homme d'Etat du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, déclamait à propos que “la colonisation est une rivière qui a charrié de la boue mais aussi de l'or. Pourquoi ne regarder que la boue alors que nous pouvons profiter aussi de cet or précieux?” C'est dans cette perspective de rentabilité de l'histoire qu'il faudrait saisir et entrevoir aujourd'hui les mouvements humains alternatifs qui se sont succédé. Si l'entretien de la mémoire autour des évènements douloureux qui se sont déroulés dans le temps passé est juste, le réalisme commande leur maîtrise et leur considération dans l'instant présent. À travers des siècles, et sur les scènes des deux rives de la Méditerranée, se sont sédimentées des similitudes culturelles rayonnantes qui ont consolidé les analogies universelles déjà naturelles et propres à l'espèce humaine de par le monde. Il est évident que les mouvements du Nord vers le Sud ont été plus nombreux hier, mais la tendance du flux migratoire semble nettement changer de direction aujourd'hui. De cette continuité dans les rapports et les rencontres, une identité culturelle méditerranéenne s'est installée, se vérifie, suscite l'intérêt et ne laisse personne indifférent. Aucune hypocrisie politique ne peut voiler cette face aux nombreuses et sensibles ressemblances et correspondances. À se référer aux récentes conclusions des géologues et des géographes, la mer Méditerranée tend à se refermer sur elle-même pour devenir plutôt un grand lac autour duquel des pays se font déjà face. Cette mer, une fois transformée en lac, changera-t-elle alors de statut spatial où ne se disputeraient plus les notions d'eaux territoriales et autres formes d'autorité ? Le projet politique de l'Union pour la Méditerranée n'est-il pas un prélude, voire une projection avancée autour de cette nouvelle dérive inversée des deux continents ? Entre-temps, les nouveaux mouvements légaux ou même illégaux qu'entreprennent les jeunes, dont la vision est la construction d'un village planétaire, engrangent encore plus l'évolution dans les relations humaines. Les résultats sont déjà bien mis en place et bien en avance sur tout projet politique. A. A. ([email protected])