La question est on ne peut plus gênante pour les uns, les psychiatres, que pour les autres, les responsables concernés des services sociaux. Les deux se rejettent la balle, le reconnaissent publiquement et tentent d'élucider une autre équation : à une question médicale faut-il une réponse administrative ? La quatrième rencontre internationale de psychiatrie et de médecine légale organisée par l'hôpital Frantz-Fanon de Blida a pris à bras-le-corps, hier, durant toute la journée, l'un des problèmes les plus difficiles à cerner à l'heure actuelle, sinon de pouvoir régler en grande partie, celui des malades mentaux errants, et qui se pose au demeurant dans plusieurs pays du monde et pas seulement en Algérie. Que ce soit à Alger ou dans d'autre villes et régions d'Algérie, la double question reste cependant de savoir quelle est la prise en charge qui est effectuée aujourd'hui, et quand elle se fait, de quelle manière. C'est l'enjeu de ce colloque qui rassemble pendant deux journées consécutives, outre les spécialistes de la santé mentale, psychiatres et psychologues, d'autres experts concernés, y compris ceux des services de sécurité, dont des femmes officiers de la gendarmerie étaient d'ailleurs présentes dans la salle ainsi que des délégués de la police et de la Protection civile, des sociologues et des magistrats. L'un des pays cités en exemple dans ce domaine crucial de la prise en charge des malades mentaux errants est l'Italie, qui a créé et développé depuis plus d'une quarantaine d'années des services de proximité, c'est-à-dire des unités d'urgence en très grand nombre, et jusque dans les quartiers des villes, où la prise en considération des souffrances des malades errants et en manque de repères est devenue l'affaire de tous. La présence à cette réunion scientifique d'une délégation italienne a suscité une grande attention des participants qui ont visiblement marqué leur intérêt à l'intervention de Mme Mariela Genchi autour de la contradiction entre contrôle et abandon de ces malades, dès la fin de la matinée. La complication de la prise en charge, précisément en Algérie, viendrait, selon la plupart des intervenants, d'une désynchronisation des responsabilités diluées ou confondues, ce qui donne un continuel quiproquo, les uns rejetant la responsabilité sur les autres, entre services de psychiatrie et services sociaux. Pour le professeur Ridouh, médecin chef du service de psychiatrie médico-légale de l'hôpital Frantz-Fanon et initiateur de ces rencontres internationales de psychiatrie, c'est donc là “tout le problème de la prise en charge, entre le psychiatre et le service social, au-delà du cas clinique et du drame qui se déroule”, nous a-t-il déclaré en marge du colloque. En l'occurrence, les responsables des services sociaux renvoient régulièrement le malade mental errant vers la psychiatrie, et le psychiatre, s'il peut soulager le malade à l'aide des médicaments, ne peut rien faire d'autres que de le renvoyer ensuite de là où il était venu. La séance d'ouverture hier de la quatrième rencontre internationale de psychiatrie et de médecine légale, dédiée à Khaled Benmiloud, l'un des premiers psychiatres algériens, a été rehaussée par plusieurs personnalités, parmi lesquelles le wali de Blida, le recteur de l'université de Blida, le directeur de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie ainsi que le représentant du ministre de la Santé qui a longuement souligné les efforts de l'Etat dans la promotion au niveau national en matière des soins mentaux, avec la mise en place en 2001 d'un dispositif pour la prise en charge des malades mentaux errants, ainsi que de la revalorisation de la profession de psychiatre, notamment. Il est à rappeler que 14 hôpitaux psychiatriques sont en cours de réalisation, pour s'ajouter aux 15 existant actuellement et dont la capacité d'accueil est notoirement passée très en deçà de la moyenne acceptable. Près de 1 500 personnes portées comme malades mentaux errants — selon les statistiques officielles — sont acheminées chaque année vers des structures de soins. Enfin, outre les Italiens, des Tunisiens et des Français participent à ces journées, durant lesquelles les interventions graviteront jusqu'à aujourd'hui, autour des conditions centrales de la réhabilitation du malade mental errant, de cas cliniques, et de cette question pathétique, reprise hier par une oratrice : les malades mentaux errants… des affreux, sales, méchants et menottés ?