Les témoignages et autres révélations faites par des personnes auditionnées par les services de la police et le procureur de la République ouvrent la voie à toutes sortes de supputations. La thèse d'un simple accident d'enfants inconscients est également battue en brèche. En sortant de chez eux ce 13 décembre 2004, Ishak, Mébarka et Wissam ne se doutaient pas du danger qui les guettait et du sort qui leur sera réservé. Ce que les trois innocents ont vécu, depuis leur départ de la maison et le jour où ils ont été retrouvés décédés dans un comptoir-frigo, nul ne le saura jamais. L'enquête diligentée au lendemain de cette découverte macabre qui a mis en émoi toute la population de Bourouba n'a pas abouti à une thèse précise. Les enquêteurs ont focalisé sur les responsabilités sans se prononcer sur une quelconque piste. “La responsabilité est partagée entre le commerçant propriétaire du comptoir-frigo et les services d'assainissement de l'APC qui n'ont pas réagi à l'abandon d'un tel équipement sur la voie publique”, conclut tout simplement l'enquête. Auditionné, le premier responsable de la direction de l'assainissement de l'APC de Bourouba renvoie la balle aux services de nettoyage Net-Com et à la Direction de la construction et de l'urbanisme de la même institution. Cette dernière s'en lave les mains, arguant que sa mission se résume à la délivrance de permis de construire. Le P/APC de la commune reconnaît “la part de responsabilité” de la mairie et promet des sanctions. Le commerçant et ses deux enfants, mis en cause également pour avoir déposé le frigo à l'extérieur de leur commerce, reconnaissent leur erreur, mais rejettent catégoriquement l'accusation retenue contre eux, à savoir l'homicide involontaire. Zones d'ombre Les témoignages recueillis par les enquêteurs font ressortir diverses zones d'ombre. Ainsi, selon les trois mis en cause dans cette affaire, l'emplacement du comptoir-frigo ne permet aucunement à un enfant de 4 ou 5 ans d'atteindre la poignée pour l'ouvrir. “Entre la poignée et la surface de la terre où était placé le frigo, il y a au moins 69 cm. En plus, il est très difficile d'ouvrir le comptoir, notamment pour des enfants”, soutiennent-ils. L'un des enfants va jusqu'à affirmer : “Je pense que les enfants ont été placés dans le comptoir par une ou d'autres personnes.” Il laissera entendre que même si les victimes s'étaient retrouvées coincées dans le frigo par accident, elles n'auraient pas étouffé “le moteur étant enlevé. Il y avait plusieurs trous et autres tuyaux qui auraient permis aux enfants de respirer”. Le rapport médical du médecin légiste avait conclu à une asphyxie sans trace de violence physique ou sexuelle. D'autant qu'à cette période des rumeurs faisant état de l'enlèvement d'enfants pour trafic d'organes circulaient au niveau de toute la capitale. Autre témoignage laissant planer le doute, celui du commerçant se trouvant à quelques pas de l'emplacement du frigo. “Je n'ai pas vu les enfants jouer autour du comptoir et je n'ai rien remarqué d'anormal ni le jour de leur disparition ni le lendemain, jour de leur découverte.” Le même témoin dira qu'il n'a pas entendu de cris ou de bruits en provenance de ce lieu. Chose qui aurait pu alerter les passants et les commerçants si les enfants s'y étaient enfermés accidentellement. Témoignage-clé Les révélations du cousin de deux victimes renvoient à plusieurs interrogations et prouvent qu'il y a anguille sous roche. En effet, ce jeune, âgé de 16 ans, serait la dernière connaissance ayant croisé les trois enfants. C'était quelques heures avant leur disparition le 13 décembre 2004 aux abords du lieu où fut abandonné le comptoir-frigo. “Je les ai grondés et je leur ai demandé de retourner tout de suite à la maison. Ils se sont vite exécutés.” C'est du moins ce que pensait le cousin avant de découvrir que les enfants ne sont jamais arrivés chez eux après leur rencontre aux environs de 12h 30. Que s'était-il passé entre temps ? Le mystère demeure total d'autant que, selon le même cousin, après que l'alerte eut été donnée, il est repassé aux environs de 15h et a même ouvert le fameux comptoir-frigo. “Mais il était vide. Il n'y avait pas la moindre trace des trois enfants”, affirme-t-il. Pourtant le lendemain à la même heure, un autre enfant du quartier découvrira les trois bambins sans vie à l'intérieur du même frigo. Question : où se trouvaient les enfants quand tout le quartier de Bourouba était à leur recherche ? Comment ont-ils atterri dans le comptoir-frigo ? Des questions qui restent sans réponses. Toutefois, le fait que le comptoir-frigo soit vide au moment des recherches prouvent qu'il a dû se passer quelque chose sur le chemin du retour des enfants à la maison. La thèse d'un simple accident ne tient pas debout pour beaucoup. Le lieu de l'emplacement du frigo est, semble-t-il, très fréquenté ; si les enfants s'y étaient enfermés par inadvertance, passants et commerçants du coin auraient été alertés par des cris ou des bruits. Quoi qu'il en soit, plus rien ne peut ramener ces innocents à la vie. Cependant, découvrir la vérité aurait aidé les trois familles à faire leur deuil, à mieux affronter la destinée et à ne pas se torturer de remords. M. B.